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ROTROU JEAN DE (1609-1650)

Le plus important, après Corneille, des dramaturges français dans les années qui précèdent 1650. Bien qu'il ait été victime d'une épidémie de fièvre pourprée alors qu'il avait à peine plus de quarante ans, il a écrit une cinquantaine de pièces dont trente-cinq ont été conservées. Cette abondance s'explique sans doute par sa précocité (à vingt ans, il fait jouer sa première pièce, L'Hypocondriaque) et par sa passion pour le théâtre, mais aussi parce que, très tôt, il devient « poète à gages » de l'hôtel de Bourgogne, ce qui le condamne à la fécondité. Les goûts du public, eux, le poussent à la diversité : tragi-comédies fort irrégulières, comédies d'intrigue. En 1632, se ralliant aux conseils des doctes, il écrit une comédie régulière, adaptée de Lope de Vega, Diane, et en 1633 une tragédie tout aussi régulière, très dramatique, tirée de Sénèque, Hercule mourant. Rotrou est alors soutenu par de puissants protecteurs : le comte de Belin, puis Richelieu qui l'invite à entrer dans la Société des cinq auteurs. Celle-ci, sous l'égide du cardinal, produit La Comédie des Tuileries (1635) et une tragi-comédie, L'Aveugle de Smyrne (1638), dont le plan est conçu par Chapelain et dont les cinq actes sont dus à des auteurs différents : Boisrobert, Colletet, Corneille, L'Estoile et Rotrou.

Rotrou retrouve ensuite l'indépendance et obtient une charge importante. Il n'en continue pas moins à produire beaucoup pour le théâtre, en particulier des adaptations en tous genres faites sur les modèles les plus divers : Les Deux Pucelles, d'après Cervantès ; Les Sosies et Les Captifs, d'après Plaute (il avait déjà fait jouer Les Ménechmes) ; une Iphigénie, d'après Euripide ; des comédies inspirées de l'Italie et des tragi-comédies de l'Espagne. Ses plus belles réussites figurent parmi ses dernières pièces, plus originales et plus dépouillées : Le Véritable Saint Genest (1647) qui, représentant la conversion et le martyre du comédien Genest sous Dioclétien, tient à la fois du mystère et de la tragédie et, se jouant sur deux scènes, comporte une pièce à l'intérieur de la pièce ; Venceslas (1648), et une tragi-comédie, Cosroès (1649). S'il est contemporain de Corneille, Rotrou reste un auteur de la vieille école. Son œuvre constitue un témoignage intéressant sur les goûts successifs du public de l'époque, mais aussi un univers qui fascine encore par sa variété et son foisonnement baroques, par ses tensions et ses discordances, en même temps que par cette constante interrogation sur le monde et le héros (et aussi sur le théâtre) qui lui donne sa cohérence profonde : violence de l'action et des passions, puissance de l'imagination, éclat du verbe. Un univers que certains ont qualifié de shakespearien, d'autres de hugolien, et qui serait à redécouvrir ou à re-présenter.

— Bernard CROQUETTE

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, maître assistant à l'université de Paris-VII

Classification

Pour citer cet article

Bernard CROQUETTE. ROTROU JEAN DE (1609-1650) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CLÉMENCE, littérature

    • Écrit par Jean MASSIN
    • 700 mots

    Décidant en dernier recours du sort d'un condamné, le prince a toujours la partie belle ; s'il laisse faire son office au bourreau, on s'incline devant sa justice et on célèbre son obéissance, peut-être douloureuse, au devoir et à la raison d'État ; s'il fait grâce, on soupçonne parfois avec admiration...

  • FRANÇAISE LITTÉRATURE, XVIIe s.

    • Écrit par Patrick DANDREY
    • 7 270 mots
    ...opéré dans la hiérarchie des jugements poétiques une ascension considérable, au point de rivaliser en considération avec le genre tragique. Corneille et Rotrou avaient d’abord tiré de la comédie d’intrigue romanesque et de registre galant, dans le sillage de la commediaerudita italienne, un miroir...
  • TRAGÉDIE

    • Écrit par Bernard DORT, Jacques MOREL, Jean-Pierre VERNANT
    • 5 375 mots
    • 2 médias
    ...poussé par Isaac Du Ryer jusqu'à l'absurde, vécu religieusement par les héros de Mariane ou de La Mort de Sénèque chez Tristan L'Hermite, teinté de néo-platonisme dans l'œuvre de Jean de Rotrou, constitue comme l'armature morale de la tragédie française à l'époque de Louis XIII.

Voir aussi