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ALEXIS JACQUES STEPHEN (1922-1961)

Le 22 avril 1922 naquit Jacques Stephen Alexis aux Gonaïves, fière cité du nord de la république d'Haïti où fut célébrée l'indépendance le 1er janvier 1804. Son enfance et sa formation d'adolescent ont été fortement marquées par l'influence de sa famille, de la conjoncture politique (l'occupation nord-américaine, 1915-1934) et par l'emprise intellectuelle qu'eut sur lui Jacques Roumain. Par sa mère, il descendait de Jean-Jacques Dessalines, le premier chef de l'État haïtien après une longue guerre de libération. Son père, Stephen Alexis (1889-1962), fonda le journal L'Artibonite qui milita contre l'occupation ; il enseigna au lycée de Gonaïves, occupa des charges administratives, devint ambassadeur à Londres en 1946 et représenta Haïti à l'O.N.U. en 1948. Historien — il est l'auteur d'un manuel d'Histoire élémentaire d'Haïti — journaliste, romancier (Le Nègre masqué, 1933), dramaturge (Le Faisceau), il fut un personnage éminent du mouvement libéral.

Au cours de son enfance, qui se déroula dans le cadre familial de Pont l'Ester, Jacques Stephen Alexis put entendre battre les tambours du cérémonial vaudou, écouter la musique et les récits transmis dans les campagnes par les simidors et les composes. C'est sans doute à cette époque qu'il acquiert cet amour viscéral de son pays qui ne le quittera jamais et qui englobait aussi bien la terre natale que la communauté humaine avec toutes ses contradictions. Il grandit ainsi à l'ombre de la politique, du bouillonnement culturel que suscita la résistance à l'occupation et dans l'entourage de la presse. En 1940, à l'âge de dix-huit ans, il écrivait un essai sur un poète surréaliste, Hamilton Garoute né en 1920 à Jérémie, auteur d'un unique recueil, Jets lucides (1945). Élève à l'institution Saint-Louis de Gonzague, il étudie la médecine à Port-au-Prince et à Paris. Le décès de Jacques Roumain en 1944 et la publication posthume de son roman Gouverneurs de la rosée l'émeuvent au plus haut point.

Collaborateur des Cahiers d'Haïti et de plusieurs journaux, créateur de la revue Le Caducée, il s'associe aux discussions culturelles qui agitent les groupes littéraires Comoedia et La Ruche. Il joue un rôle d'organisateur dans un mouvement politique de jeunes qui, associé à la grève générale, finit par emporter le gouvernement d'Élie Lescot en 1946. La prise du pouvoir par une junte militaire l'oblige à prendre la route de l'exil et il poursuit des études médicales en France. Il rédige alors son premier roman, Compère général Soleil, publié à Paris en 1955, qui le place d'emblée parmi les grands écrivains de la région des Caraïbes. Il participe en 1956 au premier Congrès mondial des écrivains et artistes noirs réunis à la Sorbonne et présente à cette occasion une communication intitulée « Du réalisme merveilleux des Haïtiens ». La publication, en 1957, de son deuxième roman, Les Arbres musiciens, le consacre définitivement. Son dernier roman, L'Espace d'un cillement, publié en 1959, apparaît comme le premier volet d'une tétralogie consacrée à l'aventure de la vie du couple qu'il se promettait d'écrire. Il affirmait dans une interview accordée fin décembre 1960 : « Ensuite, il y aura la fuite devant les responsabilités, le refus puis l'acceptation. » Son dernier ouvrage, paru en 1960, est un recueil de contes, Romancero aux étoiles, dans lequel il s'amuse à évoquer les deux personnages de la tradition orale Bouqui et Malice, la fameuse reine Anacaona et des récits qui plongent dans l'univers merveilleux des Caraïbes. Il rédigea en 1959 le manifeste programme de la Seconde Indépendance et fut cofondateur du Parti d'entente populaire, un parti communiste haïtien. Ayant débarqué clandestinement[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire, directeur du Centre de recherches Caraïbes-Amériques

Classification

Pour citer cet article

Oruno D. LARA. ALEXIS JACQUES STEPHEN (1922-1961) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CARAÏBES - Littératures

    • Écrit par Jean-Pierre DURIX, Claude FELL, Jean-Louis JOUBERT, Oruno D. LARA
    • 15 575 mots
    • 4 médias
    ...dictature et de violence que traverse le pays. Une répression brutale s'abat à plusieurs reprises sur ceux qui veulent vivre et écrire en hommes libres. Le romancier Jacques-Stephen Alexis meurt sous la torture en 1961. Beaucoup d'Haïtiens – et parmi eux beaucoup d'écrivains – sont acculés à l'exil, au...
  • POSTCOLONIALES FRANCOPHONES (LITTÉRATURES)

    • Écrit par Jean-Marc MOURA
    • 4 972 mots
    • 6 médias
    En Haïti, indépendant dès 1804, l’œuvre romanesque de Jacques Roumain (1907-1944 ; Gouverneurs de la rosée, 1944) puis celle de Jacques Stephen Alexis (1922-1961 ; Compère général Soleil, 1955) associent thématique populaire, imagination animiste tout en mêlant langues française et...

Voir aussi