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ITALIE

On observe tout au long des âges une sorte d'attraction, sinon de fascination, exercée par les régions d'Italie sur les populations de l'Europe centrale et septentrionale. Les touristes ont succédé aux voyageurs britanniques et allemands Goethe, Byron et Nietzsche, et les archéologues du xviiie siècle avaient eux-mêmes pris la suite des pèlerins de la chrétienté et des conquérants français ou impériaux qui ont tenté de s'implanter au sud des Alpes, comme les Barbares avant Charlemagne et les Celtes avant Jésus-Christ. Or, toutes ces poussées d'invasions pacifiques ou guerrières, inspirées par la culture ou la rapacité, religieuses ou commerciales, ont toujours emprunté les mêmes routes et conduit à peu près aux mêmes points entre les Alpes et la mer. Des ports accueillants sont disposés en couronne dans l'Italie méridionale : Palerme, Naples, Tarente, Brindisi ; les passages s'alignent en éventail au-delà de l'Italie du Nord ; « le Brenner a servi de route aux Cimbres et aux Teutons ; par là sont toujours passés les empereurs lorsqu'ils allaient en Italie se faire couronner ou développer leur politique. Dès l'époque romaine certainement, et bien avant déjà sans doute, les routes des Alpes entre la Gaule et l'Italie étaient celles-là même que suivent encore aujourd'hui les automobiles ; la via Aurelia filait le long de la Corniche ; le mont Matrona (Mont-Genèvre) servait à passer de la Doire Ripaire dans la Durance ; et par la voie du Saint-Bernard... un flot de civilisation n'a cessé de couler... » (Lucien Febvre, La Terre et l'évolution humaine, Paris, 1922). C'est là l'aspect passionnant de l'Italie : l'histoire avec ses plis invétérés et ses constantes y est logée dans les profondeurs de la géographie.

Nous trouvons donc là un lieu de condensation, où l'énorme travail d'assimilation et d'échanges qui élabore une civilisation s'est produit pendant des siècles dans des circonstances telles qu'on ne peut le parcourir sans en éprouver la vertu.

La nature a imposé à cette longue masse oblique, à arête montagneuse, un cloisonnement extraordinaire. Aucun fleuve italien n'est un élément de liaison ni un facteur d'équilibre : le Tibre a l'irrégularité d'un torrent. Des deux rivières alpestres, le Pô et l'Adige, seul le premier contribue étroitement à l'activité des provinces du Nord, mais avec des étalements dangereux et un delta inextricable. En contrepartie, la variété du relief et la qualité des roches multiplient les formations bizarres : Dolomites, sites « lunaires » de Volterra et de Sicile ; les compositions charmantes : terrasses des monts Euganéens, des collines toscanes, des monts Albains ; les « monstres sacrés » : Vésuve, Etna, régnant sur les laves et le soufre. L'Italie possède une gamme de pierres et de matériaux de construction exceptionnels, et de temps immémorial chaque province a eu ses prédilections : briques, pépérin, travertin, marbre. La polychromie y va de soi. Une ville entièrement artificielle comme Venise contient tous les matériaux d'usage ou de luxe des Alpes et de l'Adriatique, du marbre à la pierre d'Istrie.

Les Dolomites - crédits : Manfred Mehlig/ The Image Bank/ Getty Images

Les Dolomites

Vésuve - crédits : Alberto Nardi/ AGF RM/ Age Fortostock

Vésuve

Une sorte de répertoire complet des types géologiques avec les couleurs du sol, les mouvements du relief et la végétation se déploie des contreforts alpestres, où se logent des lacs fameux, aux zones de marécages, aux arêtes arides semées de cactus et d'aloès. Les paysages sont tellement individualisés que l'art en a recueilli la variété : mosaïques antiques, peintures romaines, fresques toscanes, tableaux vénitiens jusqu'au moment où, parallèlement aux artistes italiens, les adeptes du paysage historique, Corot et les fidèles de Venise s'en sont à leur tour emparés. La diffusion et l'imitation les ont fait connaître partout et[...]

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Écrit par

  • : membre de l'Institut, professeur au Collège de France

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Pour citer cet article

André CHASTEL. ITALIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Les Dolomites - crédits : Manfred Mehlig/ The Image Bank/ Getty Images

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Vésuve - crédits : Alberto Nardi/ AGF RM/ Age Fortostock

Vésuve

Autres références

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    Né véritablement en 1905, avec le tournage du premier film de fiction, La Prise de Rome, le cinéma italien a connu l'une des histoires les plus riches de la production mondiale. Il figure encore aujourd'hui, après l'éclat de la période muette, le triomphe international du néo-réalisme, l'épanouissement...

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    ...décent et modéré. Il faut considérer la manière avec laquelle les opinions sont exprimées, et non le contenu de ces opinions. » Dans le même sens, la loi italienne prévoit une amende pour « quiconque blasphème publiquement, par des invectives ou des paroles outrageantes contre la divinité ». La même...