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KABAKOV ILYA (1933-2023) et EMILIA (1945- )

Artiste conceptuel, Ilya Iossifovitch Kabakov naît le 30 septembre 1933 à Dnipropetrovsk en URSS (aujourd’hui Dnipro en Ukraine).

Diplômé de l’Institut d’État des beaux-arts Sourikov en 1957, il commence sa carrière en dessinant près de 150 albums pour enfants. Dans les années 1970, alors qu'il vit à Moscou dans un appartement communautaire sous le régime soviétique, il rédige et peint des albums inspirés par des personnages imaginaires. Il donne à ces derniers un espace à partir de la décennie suivante, en concevant les intérieurs de ses Dix Personnages (1981-1988), sa première installation d'envergure dans laquelle il utilise des mécanismes littéraires tirés d'ouvrages de Gogol. « Je me vois forcé d'incorporer l'espace environnant dans l'installation. Cela conduit à ce que j'appelle une installation totale. » Kabakov construit alors des pièces d'appartements, des chambres, des cuisines, des ambiances complètes, théâtres d'une vie, entre remémoration et imagination (La Fourmi, 1983).

À partir de 1989, il travaille en étroite collaboration avec son épouse Emilia (née le 3 décembre 1945 à Dnipropetrovsk), diplômée en classique de la faculté de musique et ayant étudié la littérature espagnole à l’université de Moscou. L'Union soviétique bruisse alors de changements politiques, mais la vie quotidienne de ses habitants évolue peu. Kabakov s'attache à documenter ce quotidien confiné, en créant des espaces détaillés et spirituellement animés. Il y plonge un spectateur manipulé, victime quasi consentante venue tenter une expérience empathique. Les installations totales de Kabakov ne sont pas des dioramas, ni même des reconstitutions d'endroits réels, mais bien des projections mentales qu'il faut parcourir, dont il faut s'imprégner. Pour cela, l'artiste joue de ressorts dramatiques quasi systématiques comme une lumière glauque, un hermétisme spatial, des atmosphères psychologiques lourdes, elliptiques, bien que fournies de détails. Pour lui, l'esprit du lieu est primordial : ses œuvres sont comme des pièges, des gouffres temporels à la fois datés et pourtant sans âge. Il simule la réalité d'une culture en pleine dissolution, la fin de l'ère soviétique, le repli désespéré vers un ancien système de surveillance et de confinement.

Kabakov réalise ainsi plus de 150 installations totales : à travers elles, on visite les cauchemars de la bureaucratie, les institutions psychiatriques, un orphelinat à l'abandon, une école désaffectée, des toilettes publiques sordides, un train de propagande. « Un artiste est le miroir de son époque, un miroir n'essaie pas de prouver quelque chose, il ne fait que refléter », dit-il à propos de son travail. Mais Kabakov, s'il s'engage dans un système de manipulation sans but idéologique, ne peut cependant s'affranchir de la charge politique et sociale que véhicule le contexte historique qui enveloppe ses œuvres.

En 1992, Ilya et Emilia Kabakov s’installent à New York. Ils abandonnent les installations totales au profit de recherches sur les systèmes de monstration, de l'exposition universelle à la rétrospective. Pour cela, ils développent dans leur studio de la banlieue de New York les décors du Palais des projets (1998) et de La Vie et l'œuvre de Charles Rosenthal (1999), qui se présente comme une rétrospective d'un peintre juif ukrainien dont la vie et les toiles ont été créées de toutes pièces par Kabakov. Le Palais des projets est, quant à lui, une exposition qui rassemble 65 projets utopiques dans un pavillon-sculpture en forme de spirale blanche rappelant les expérimentations des constructivistes russes. Le couple nourrit, après ces projets monumentaux, celui d'une ville d'installation, d'un système total. À partir des années 2000, il s'attelle à la création[...]

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Écrit par

  • : critique d'art, historienne de l'art spécialisée en art écologique américain
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis et Bénédicte RAMADE. KABAKOV ILYA (1933-2023) et EMILIA (1945- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • MONOCHROME, peinture

    • Écrit par Denys RIOUT
    • 3 833 mots
    ...en relief, elles aussi peintes en vert, indiquaient : « Notice Red » (1966). Les cartels disposés aux quatre angles d'une grande toile bleu uni d'Ilya Kabakov (1933-2023) semblaient transcrire une discussion entre badauds qui se perdraient en conjectures : « C'est la mer ; c'est un lac ;...
  • SCULPTURE CONTEMPORAINE

    • Écrit par Paul-Louis RINUY
    • 8 011 mots
    • 4 médias
    ...ces créations singulières ne peuvent empêcher la montée en puissance et la nouveauté radicale de l’art de l’installation, dont on peut affirmer, avec Ilya et Emilia Kabakov, le caractère radicalement novateur, en remplaçant même dans le texte suivant le mot « tableau » par celui de « sculpture » : « Pour...

Voir aussi