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IBN ḤAWQAL (Xe s.)

Géographe arabe, le plus illustre représentant, avec Muqaddasī, de sa discipline en son âge d'or du ive siècle de l'hégire (xe s.), Ibn Ḥawqal est l'auteur d'un Livre de la configuration de la terre (Kitāb ṣūrat al-arḍ, éd. J. H. Kramers, Leyde, 1938 ; trad. franç. G. Wiet, Configuration de la terre, Paris-Beyrouth, 1964).

Le titre ne doit pas nous faire entretenir la moindre illusion : il ne s'agit pas, pour Ibn Ḥawqal, de s'inscrire dans la tradition d'une cartographie héritée de la Grèce, mais bien de reprendre, en le développant considérablement, l'« atlas » du monde musulman inauguré par Balkhī et poursuivi par Iṣṭakhrī. C'est d'ailleurs à ce dernier qu'Ibn Ḥawqal doit la confirmation de sa vocation : selon son propre témoignage, il aurait accepté, sur la demande même d'Iṣṭakhrī, de reprendre l'ouvrage de celui-ci et de le mettre à jour.

Première intervention personnelle d'Ibn Ḥawqal : à ce voyage qu'Iṣṭakhrī avait déjà senti et pratiqué comme la part essentielle de l'information géographique Ibn Ḥawqal va donner des dimensions considérables. Il quitte sa haute Mésopotamie natale en 331 (943) pour une série de pérégrinations qui le mènent en Afrique du Nord, en Espagne, Égypte, Arménie, Azerbaïdjan, Irak, Susiane, Iran, Transoxiane et en Sicile. Le moyen et l'occasion de ces voyages ont sans doute été fournis à l'auteur par sa double activité de commerçant et de propagandiste des thèses shī‘ites auxquelles le califat fāṭimide du Caire donne alors une réalisation politique. Au reste cette double qualité confère-t-elle à l'œuvre d'Ibn Ḥawqal un intérêt tout particulier, par l'attention aiguë qu'il prête aux productions locales et à diverses situations économiques, comme par la géographie politique à laquelle il se livre dans maintes pages de son œuvre.

Le soin mis par l'auteur à la publication de son ouvrage est un autre trait de la personnalité d'Ibn Ḥawqal : soit pour réviser, chemin faisant, certaines options politiques, soit pour compléter l'information, il donne trois versions successives du livre, l'une antérieure à 356 (967), l'autre vers 367 (977), une troisième enfin, sorte de dernière mise au point, vers 378 (988).

En même temps qu'il développe le texte d'Iṣṭakhrī, au point de le faire oublier parfois, Ibn Ḥawqal lui donne un tour nouveau : ses engagements politiques, ses aventures substituent au canevas fourni par le devancier un exposé d'allure souvent très personnelle, avec référence à l'événement vécu. En outre, l'intention littéraire s'affirme. Avec Ibn Ḥawqal, la géographie tend à s'ériger en discipline propre, que ses intentions, son donné et son style situent aux confins de la science et de la littérature, de la recherche et de l'agrément. Dans un système culturel où l'acte d'écrire est environné d'un tel prestige, la géographie, par le recours à certains procédés stylistiques, entend se donner, à elle aussi, des lettres de noblesse.

D'autres interventions sont à relever : Ibn Ḥawqal se sent assez sûr de son intention, qui est d'écrire un livre relatif au monde musulman, pour prolonger son exposé par quelques excursions chez les peuples voisins ; on relèvera à ce sujet une foule de renseignements essentiels sur les Turcs, les Khazars, l'Afrique occidentale, la Nubie et l'Italie méridionale. Au demeurant (et sans rien retrancher au sérieux de sa méthode) s'autorise-t-il à doser la lumière selon les pays musulmans qu'il considère : les pages les meilleures, les plus pleines de son livre sont celles qu'il consacre, d'une part, à l'occident de l'Islam, à la Sicile notamment, et, d'autre part, aux régions de la Transoxiane, décrites avec une minutie et un sens du réel exemplaires.[...]

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