Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

HÔ CHI MINH, NGUYÊN AI QUOC dit (1890-1969)

Internationalisme révolutionnaire et nationalisme vietnamien

Le testament que Hô Chi Minh a laissé à ses compagnons apparaît en quelque sorte comme un autoportrait. On y trouve d'abord l'un des traits permanents de ce révolutionnaire : la priorité absolue donnée à l'action sur la doctrine, aux exigences de l'immédiat sur les préoccupations d'une stratégie à long terme. Les premiers mots ne sont pas pour proclamer des principes, comme l'eussent fait Lénine ou Mao, mais pour affirmer que la lutte contre l'agression américaine était primordiale et se terminerait par la défaite des impérialistes. On y remarque aussi avec quelle insistance le leader disparu parle de la « morale révolutionnaire », au dépens des idées et des théories qui n'occupaient déjà qu'une place infime dans son œuvre. Apparaît ainsi l'homme d'action, le praticien, on dirait même le pragmatique, l'homme du fait plutôt que l'homme du concept.

Un autre élément essentiel de ce texte d'adieu est la vigueur avec laquelle M. Hô rappelle son appartenance au mouvement ouvrier et à l'internationale prolétarienne. Les seuls noms de « grands ancêtres » cités sont ceux de Marx et de Lénine – alors que les textes émanant du Vietnam en guerre sont d'ordinaire plus riches en références aux héros nationaux. En outre, la dernière phrase se termine par un appel à la « révolution mondiale », ce qui ne remet pas en question la composante proprement patriotique de l'action et du personnage de Hô Chi Minh, mais incite à nuancer l'opinion, souvent formulée, selon laquelle le marxisme ne lui était jamais apparu que comme un outil pour assurer l'émancipation de son pays. Cette opinion se fonde sur des propos et des gestes nombreux, qui vont de la dissolution du Parti communiste indochinois en 1945 (mesure provisoire, mais qui fit scandale dans l'Internationale) à l'offre d'une négociation directe à la France, en 1953, puis aux États-Unis, en 1968, sans consultation préalable des deux « grands » du camp socialiste.

En fait, l'originalité du « nationalisme » de Hô Chi Minh, que l'on a pu non sans raison présenter comme l'inventeur du « national-communisme » mis plus tard en pratique par Tito, Castro, Gomulka ou Ceauṣescu, est de ne l'avoir jamais conduit à entrer en conflit avec les exigences fondamentales de la doctrine et de la discipline internationalistes – comme ce fut le cas pour tel ou tel de ces épigones. On en veut pour preuve deux crises dans lesquelles ce patriote refusa de se poser en schismatique, pour pénible qu'ait été l'acceptation de directives conformes à la ligne du camp de la révolution.

Le 3 février 1930, après diverses hésitations dues à une juste prudence et la méfiance envers toute attitude « gauchiste » qui resteront une constante de son attitude, le leader avait entériné la création du Parti communiste vietnamien. Mais si les dirigeants de l'Internationale avaient, non sans réserve, accepté cette initiative, audacieuse dans l'état où se trouvait alors le Sud-Est asiatique, ils refusaient à cette organisation le droit de porter le drapeau national du Vietnam – où ils voyaient le signe d'une déviation nationaliste. C'est au prix d'une lutte opiniâtre que le leader dut imposer l'abandon de toute référence vietnamienne, le parti étant dès lors qualifié d'« indochinois » (formulation coloniale qui ne lui plaisait pas plus qu'à ses compagnons).

Quatorze ans plus tard, la victoire de Giap à Diên Biên Phu avait assuré le succès de la révolution vietnamienne – dont le nom, depuis longtemps, s'était imposé. Mais, là encore, un mouvement de repli était exigé des Vietnamiens par leurs alliés soviétiques et chinois : pour éviter qu'une défaite trop brutale de l'Occident incite les[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Jean LACOUTURE. HÔ CHI MINH, NGUYÊN AI QUOC dit (1890-1969) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Hô Chi Minh, vers 1940 - crédits : Keystone/ Getty Images

Hô Chi Minh, vers 1940

Georges Bidault et Hô Chi Minh, 1946 - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Georges Bidault et Hô Chi Minh, 1946

Délégués viêtminh - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Délégués viêtminh

Autres références

  • DÉCOLONISATION

    • Écrit par Charles-Robert AGERON
    • 7 311 mots
    • 31 médias
    ...gouvernements nationaux. Mais les milices armées du Viêt-minh réussirent à s'emparer du pouvoir au Vietnam. Le 2 septembre 1945, le leader communiste Hô Chi Minh proclamait l'indépendance du Vietnam. Pour éviter d'entrer en guerre avec cet État révolutionnaire (la République démocratique du Vietnam)...
  • FIN DE LA GUERRE D'INDOCHINE

    • Écrit par Vincent GOURDON
    • 198 mots
    • 1 média

    Après huit ans de guerre entre forces françaises et Viet-Minh de Hô Chi Minh, soutenu par la Chine communiste, les accords de Genève, signés le 20 juillet 1954, marquent une étape décisive dans le processus de décolonisation asiatique entamé depuis 1945 et dans la progression du camp...

  • GIAP VÔ NGUYÊN (1911-2013)

    • Écrit par Christian LECHERVY
    • 2 092 mots
    • 3 médias
    ...gouvernement colonial. C'est donc fort logiquement que, dès le début de la Seconde Guerre mondiale, Giap passe dans la clandestinité avant de rejoindre Hô Chi Minh en Chine méridionale, en mai 1940. Il est au côté de ce dernier à Jingxi quand il fonde en 1941 la Ligue pour l'indépendance du Vietnam, le...
  • VIETNAM GUERRE DU (1959-1975) - (repères chronologiques)

    • Écrit par Olivier COMPAGNON
    • 300 mots

    26 avril-21 juillet 1954 La conférence de Genève qui met un terme à la guerre d'Indochine, décide le partage provisoire du Vietnam en deux zones d'administration distinctes, de part et d'autre du 17e parallèle.

    Juillet 1956 Le Sud-Vietnam refuse d'organiser les élections prévues...

  • Afficher les 10 références

Voir aussi