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MELVILLE HERMAN (1819-1891)

Herman Melville - crédits : Apic/ Getty Images

Herman Melville

L'œuvre littéraire est la forme la plus noble de l'autobiographie. Sous l'influence de la critique psychanalytique et freudienne, le lecteur du xxe siècle est à même de saisir comment, d'instinct, le romancier américain Melville a traduit dans ses récits ses sentiments les plus intimes et, en particulier, celui de vivre dans un univers menaçant.

En lisant, dans leur ordre chronologique, les ouvrages de Melville, on voit que chacun d'entre eux correspond à une étape jalonnant la pensée de l'écrivain. Moby Dickest le point culminant de sa réflexion : l'homme ne doit ni se rebeller contre Dieu ni vouloir à toute force percer le mystère du cosmos. Il puise sa noblesse dans l'acceptation courageuse de son sort et il apprend ainsi le stoïcisme. Mais il dépasse cette doctrine.

Rendu réceptif par le principe d'amour qui l'habite, il est sauvé du désespoir et du néant : en un moment sublime, Ismaël, l'enfant perdu, entend la voix de son père ; il vit un instant de total apaisement et de totale conscience, il perçoit l'universel unisson.

Nature essentiellement religieuse parce qu'il a le sens du mystère des choses, Melville sait que, s'il est des heures où Dieu parle, il en est d'autres, nombreuses, où il se tait. Le Père ne répond à son fils qu'en des circonstances exceptionnelles. À force de s'interroger sur le mystère de l'univers, Melville trouve un début de réponse : Ismaël, son porte-parole, comprend qu'il ne lui appartient pas de percer le secret de la création et de la destinée humaine, de « déchiffrer le terrible front chaldéen du cachalot » ; mais il découvre, du moins, que le chemin de la connaissance suprême passe par la fraternité mystique.

Une vie pleine d'aventures

Herman Melville fut marin, aventurier, romancier et poète. Sa famille appartenait à la société « provinciale » dont la dignité et la stabilité étaient fondées sur les richesses acquises par l'exploitation des terres et des ressources de la grande industrie. Un des traits marquants de leur personnalité fut, semble-t-il, l'instabilité mentale, manifestée chez son grand-père paternel et chez son père. Quant à Mrs. Melville, d'origine hollandaise et terrienne, elle hérita de ses ancêtres, surtout de son père, homme tourmenté, passionné du désir de ne jamais faillir (c'est bien ainsi qu'il apparaît dans Pierre), une inébranlable foi calviniste, la hantise du péché, de la présence du mal, la croyance à la perversion inhérente à l'homme. Peut-être, comme Mrs. Glendinning, dans Pierre, repoussa-t-elle l'amour ardent que lui vouait son fils ? Peut-être Herman, le troisième des huit enfants qu'elle éleva au prix de difficultés extrêmes, ne fut-il pas le préféré ? Les documents relatifs aux premières années de l'auteur sont peu nombreux, mais suffisants toutefois pour révéler un enfant sujet à des terreurs, à des émotions, à des hallucinations, comme Ismaël dans Moby Dick. Orphelin de père à treize ans, moralement éloigné de sa mère, il dut, très jeune, ressentir le désarroi, l'impression de la fatalité et la solitude. Adolescent, il connut une existence instable, ne fréquentant l'école que de façon irrégulière, tour à tour élève et maître, exerçant des professions peu lucratives. Un jour de mai 1839, il s'engage comme garçon de cabine à bord du St. Lawrence en partance pour Liverpool. Le héros de Moby Dick le dira plus tard : il faisait alors grande grisaille dans son âme.

Certains incidents de sa vie, autres que la nécessité, sont pourtant susceptibles d'avoir orienté son esprit vers l'aventure maritime : les affinités de sa famille avec la mer, ses lectures, Cooper et Byron entre autres ; mais elles n'ont pas déterminé son engagement. Compte tenu de l'estime dont jouissait la marine marchande[...]

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Pour citer cet article

Jeanne-Marie SANTRAUD. MELVILLE HERMAN (1819-1891) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Herman Melville - crédits : Apic/ Getty Images

Herman Melville

Autres références

  • ŒUVRES III (H. Melville)

    • Écrit par Pierre-Yves PÉTILLON
    • 766 mots

    La traduction de Moby Dick en français par Philippe Jaworski est la quatrième depuis celle de Giono et son équipage, publiée en 1941. Elle est signée de quelqu'un qui comprend l'anglais de l'original, ce qui n'avait pas toujours été le cas par le passé. Elle s'inscrit aussi dans une entreprise de...

  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par Marc CHÉNETIER, Rachel ERTEL, Yves-Charles GRANDJEAT, Jean-Pierre MARTIN, Pierre-Yves PÉTILLON, Bernard POLI, Claudine RAYNAUD, Jacques ROUBAUD
    • 40 118 mots
    • 25 médias
    Le nom de Cooper et, après lui, ceux de Poe (1809-1849), Emerson (1803-1882), Hawthorne (1804-1864), Melville (1819-1891), Whitman (1819-1892) suffisent amplement à prouver qu'une littérature nouvelle était bel et bien née au milieu du xixe siècle, mais, pour certains, les œuvres de ces hommes...
  • LE VOYAGE VERTICAL et BARTLEBY ET COMPAGNIE (E. Vila-Matas) - Fiche de lecture

    • Écrit par Jean-Pierre RESSOT
    • 989 mots

    À la crise qui semble frapper depuis longtemps la création romanesque espagnole, Enrique Vila-Matas, né à Barcelone en 1948, répond en se situant hors normes, en pratiquant dès ses premiers livres une recherche ludique de l'originalité, dans un mélange de fiction et d'essai pimenté d'humour....

  • MOBY DICK, OU LA BALEINE, Herman Melville - Fiche de lecture

    • Écrit par Michel FABRE
    • 1 030 mots
    • 1 média

    Succédant à une série de récits d'aventures exotiques qui avaient connu un grand succès, Mardi (1849) reflète déjà l'évolution de l'écrivain américain Herman Melville (1819-1891) vers un pessimisme calviniste. Avec Moby Dick or The Whale (1851), écrit en deux ans, il délaisse...

Voir aussi