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HARVEY POLLY JEAN dit PJ (1969- )

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Une artiste en mutation

Chez PJ Harvey, l’expression de soi, violente et intime à la fois (« The Piano », « A Perfect Day Elise », « The Desperate Kingdom of Love »), témoigne de l’influence sensible de Captain Beefheart, Tom Waits, Patti Smith ou Bob Dylan. Ses duos avec Nick Cave, Thom Yorke ou encore Josh Homme sont d’une grande beauté. Mais PJ Harvey n’est l’épigone de personne. Elle ne se fie qu’à son inspiration propre et à l’amour pour ses instruments, le saxophone et l’autoharpe parfois, sa guitare Gretsch surtout. La chanteuse joue des décrochages de sa voix, cristalline comme celle d’une petite fille (« Nina in Ecstasy ») ou timbrée comme celle d’une cantatrice, capable de se muer en grommellements de sorcière ou halètements de femme amoureuse. Du lyrisme de l’amour meurtri à l’énergie pure du rock (« Bitter Branches »), de l’affliction recueillie aux hymnes de l’amour universel, la panoplie est large et le goût de se réinventer toujours présent.

PJ Harvey - crédits : Shirlaine Forrest/ WireImage/ Getty

PJ Harvey

Impossible d’apprécier la musique de PJ Harvey hors des clips, conçus comme des poèmes graphiques, ou des mises en scène de concerts, très élaborées. La composition distanciée des émotions, des chagrins et des désirs (« This Is Love ») réalise la sincérité artistique. Au cours de la tournée de The Hope Six Demolition Project, les rôles sonores des instrumentistes-choristes masculins sont rigoureusement distribués, et la gestuelle sobre, presque martiale, du groupe traduit une émulation sévèrement contrôlée, mais d’autant plus puissante. Aux complicités faciles avec le public, la musicienne préfère les laconiques « thank you » et l’esquisse de sourires sans complaisance. Ses déhanchements ou ses tenues érotiques et déjantées, plus rares au fil des années, miment une forme d’errance au féminin. Avec un intense lyrisme (« Big Exit »), elle brosse d’étranges autoportraits, qui évoquent, dans un même morceau, les atmosphères les plus opposées (« C’mon Billy », « Dress », « Rid of Me »). L’intensité d’un regard intérieur, paradoxalement accordé à la démesure extravertie du rock, est sublimée par les parures baroques, les maquillages extravagants, la plasticité d’un visage qui sculpte une diction parfaite, et toujours la tonalité grunge ou le romantisme de la parole poétique. Sur un même clip (« The Wheel ») se lit la tension révoltée entre l’innocence pastorale et la soldatesque en armes, l’humilité des objets sans âge et des enfants qui courent parmi les champs de détritus. Si l’émotion est impuissante à vaincre le chagrin, la polyphonie du chant et le punk blues obsédant sonnent comme un cri de survie, par-delà la pulsion de mort qui viole la beauté du monde.

Marquée par le feu d’une mélancolie élégante, inventive et généreuse, PJ Harvey impose une œuvre phare sur la scène musicale rock.

— Michel P. SCHMITT

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Michel P. SCHMITT. HARVEY POLLY JEAN dit PJ (1969- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 11/10/2016

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PJ Harvey - crédits : Shirlaine Forrest/ WireImage/ Getty

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