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GUILLAUME TELL

Personnage légendaire dont on a fait un des pères de la Confédération suisse. Le nom de Guillaume Tell apparaît, pour la première fois, dans une chronique relatant la genèse de l'alliance des montagnards des Waldstätten, le Livre blanc de Sarnen, vers 1470, c'est-à-dire cent quatre-vingts ans après le pacte de 1291. Ce document est à la base de la version traditionnelle, fixée, au xvie siècle, par Egide Tschudi, reprise par Johannes von Müller dans son Histoire de la Confédération suisse (Geschichten schweizerischer Eidgenossenschaft, 1786), puis popularisée par l'« helvétisme » de la fin du xviiie siècle et, surtout, par le drame de Schiller (1804). Selon cette interprétation, lorsque les Habsbourg, montés sur le trône impérial, en 1273, renforcent leur tutelle sur les pays forestiers autour du lac des Quatre-Cantons (Uri, Schwyz, Obwald et Nidwald), un sourd mécontentement se diffuse dans les populations très attachées à leurs libertés. Une conjuration est ourdie par le Schwyzois Werner Stauffacher (Stoupacher). Elle aboutit au serment des trois principaux chefs des vallées : Stauffacher, Arnold von Melchtal, Walter Fürst, à la prairie du Grütli (automne 1307), pour conquérir l'indépendance. Guillaume Tell y assistait. Les baillis, représentants de l'autorité impériale, sont mis à mort ou expulsés, et les châteaux seigneuriaux démolis. Le Livre blanc, produit du remaniement de plusieurs textes antérieurs, parle du courage d'un homme d'Uri, Tall, nommé ensuite Guillaume Tell, qui aurait bravé l'autorité du bailli Gessler, sous le tilleul d'Altdorf, en refusant de saluer le chapeau de ce magistrat, symbole du pouvoir. Arrêté et conduit en prison dans un bateau sur le lac, il aurait sauté de l'embarcation au rocher de la Tellenplatte, puis tué le bailli, dans le chemin creux d'Immensee. Les premiers chroniqueurs ignoraient la date de l'alliance de 1291, qu'ils plaçaient entre 1293 et 1314, et leur récit, très retouché, montre la trace de nombreuses interpolations. L'épisode de Tell, enjolivé d'adjonctions postérieures (comme celle de l'épreuve imposée par Gessler d'abattre d'une flèche d'arbalète une pomme posée sur la tête du fils du héros), va devenir l'élément sentimental de toute une imagerie patriotique suisse. Dès le milieu du xviiie siècle, cependant, la tradition, dérivée du Livre blanc, est mise en doute, et au xixe siècle, sur la voie de l'érudition allemande, l'école hypercritique passe au crible les documents relatifs aux origines de la Confédération. À partir de Kopp (1835), elle a totalement rejeté l'historicité de Tell et de ses compagnons, attitude qui est encore celle d'historiens contemporains. Toutefois, depuis Auguste Bernoulli (1899) et, surtout, Karl Meyer (Die Urschweizer Befreiungstradition in ihrer Einheit Ueberlieferung und Stoffwall, 1927), une révision a été opérée. Tout en admettant que la personne même de Tell est hypothétique et que son nom résulte d'une erreur ou d'un malentendu des chroniqueurs, elle aboutit à l'affirmation d'une véracité du tableau de la révolte des montagnards, événement authentique dont les épisodes ont été conservés et transmis par une tradition collective.

— Paul GUICHONNET

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Pour citer cet article

Paul GUICHONNET. GUILLAUME TELL [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • SUISSE

    • Écrit par Bernard DEBARBIEUX, Frédéric ESPOSITO, Universalis, Bertil GALLAND, Paul GUICHONNET, Adrien PASQUALI, Dusan SIDJANSKI
    • 24 373 mots
    • 9 médias
    ...Rousseau sur la vertu et l'esprit démocratique des montagnards, alimentera un thème promis à une immense fortune : les exploits des héros de l'indépendance, Guillaume Tell, Arnold de Melchthal, Werner Stauffacher, liés par le serment de la prairie du Grütli. L'hypercritique du xixe siècle a nié la valeur...