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FRANTZ (F. Ozon)

Le voyage d’Anna

Si, chez Rostand et Lubitsch, Adrien demeurait finalement en Allemagne, Ozon interrompt ce récit initial dès qu’il révèle son imposture à Anna, avant de disparaître. Celle-ci part alors à son tour dans une France également hostile aux étrangers, à la recherche non seulement d’Adrien mais aussi de l’existence méconnue de Frantz (la séquence de l’hôtel de passe), devenant par là même l’héroïne incontestable de toute l’histoire, face à deux jeunes gens qui ne la valaient pas. L’influence de François Truffaut est évidente, dans le recours à l’histoire de la Grande Guerre (Jules et Jim, mais encore la souffrance de La Chambre verte), le thème des lettres et des trains (Les Deux Anglaises et le Continent) ou, plus généralement, les indécisions du destin aiguisant des sensibilités à fleur de peau.

Frantz tire en outre sa beauté du rôle singulier qu’Ozon fait jouer à la musique (le morceau de Chopin qu’Adrien ne parvient pas à achever sur le violon de Frantz offert par le père) et à la peinture : il est question, dans le récit mensonger d’Adrien, d’une composition de Manet représentant un jeune homme cheveux au vent ; mais, à la fin, Anna sera fascinée au Louvre par un tout autre tableau très impressionnant du peintre, Le Suicidé, dont elle dira qu’il lui donne envie de vivre. On sera par ailleurs séduit par l’extrême justesse du dialogue franco-allemand qu’Anna et Adrien prononcent chacun, soit dans leur propre langue soit dans celle de l’autre, selon une partition dictée par les seules injonctions de l’émotion, plutôt retenue par ailleurs. À deux reprises, le premier plan d’un tunnel très sombre, sur le fond duquel leurs deux silhouettes se détachent de dos, propose aussi l’image d’une véritable plongée psychanalytique dans les profondeurs inconscientes d’un récit d’une grande puissance.

— René PRÉDAL

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Écrit par

  • : professeur honoraire d'histoire et esthétique du cinéma, département des arts du spectacle de l'université de Caen

Classification

Pour citer cet article

René PRÉDAL. FRANTZ (F. Ozon) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<em>Frantz</em>, F. Ozon - crédits : Mandarin Films, X-Filme Creative Pool, FOZ/ BBQ_DFY/ Aurimages

Frantz, F. Ozon

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