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FINK EUGEN (1905-1975)

Entre Husserl et Heidegger, Fink occupe une place singulière dans le mouvement phénoménologique. Après des études de philosophie, d'histoire et d'économie aux universités de Münster et de Berlin, c'est à Fribourg-en-Brisgau qu'il s'installe. Là, il devient, à vingt-trois ans (il est né à Constance en 1905), assistant de Husserl jusqu'à la mort de ce dernier en 1938. Chassé de l'Université, il quitte l'Allemagne et fonde à Louvain, avec le père van Breda, les « archives Husserl ». En 1940, il est enrôlé de force dans l'armée de l'air allemande. En 1946, il passe sa thèse d'habilitation sur le travail qu'il avait rédigé en étroite collaboration avec son maître, la Sixième Méditation cartésienne (publiée en allemand en 1988, traduction française du premier volume en 1994). De 1946 à 1971, il enseigne la philosophie à l'université de Fribourg-en-Brisgau. En 1960 paraissent deux livres qui seront traduits en français, en 1965 et 1966 : Nietzsche et la philosophie et Le jeu comme symbole du monde. Ses Studien zur Phänomenologie (1966), réunissant des études écrites dans la proximité de Husserl et saluées par lui comme étant les plus fidèles à son inspiration, seront traduites, en 1974, sous le titre De la phénoménologie. En 1969 paraît un ensemble de cours sur la mort, Metaphysik und Tod (La Métaphysique et la mort), dont Levinas saura reconnaître l'importance. Durant le semestre d'hiver 1966-1967, Fink donne avec Heidegger un séminaire sur Héraclite (traduit en français en 1973) qui témoigne de l'inventivité et de l'originalité de son questionnement. Ses cours, essais et conférences feront l'objet de publications posthumes : Alles und Nichts (Tout et rien),1959, Nähe und Distanz, 1976 (Proximité et distance, traduit en 1994), Sein und Mensch (Être et homme) en 1977 ; Grundphänomene des menschlichen Daseins (Phénomènes fondamentaux de l'existence humaine), en 1979 ; Welt und Endlichkeit (Monde et finitude), d'après des cours de 1949, en 1990 ; Existenz und Koexistenz, en 1987. L'ensemble de ses papiers est réuni au Fink-Archiv de Fribourg.

L'originalité de la pensée d'Eugen Fink ne peut être saisie que par rapport à celle de Husserl qu'il approfondit au point d'entrer en conflit avec elle. La conscience objective, encore mondaine chez Husserl, doit être pensée comme origine même du monde. Autrement dit , et c'est là ce que cherche à penser la Sixième Méditation cartésienne, il y a une « différence ontologique » entre « l'être du monde » et « l'être de la conscience constituante » que Husserl, malgré ses analyses de plus en plus radicales, aurait escamotée. C'est donc très tôt dans son parcours philosophique que Fink pose les linéaments d'une pensée du monde que toute son œuvre ultérieure ne cessera d'interroger. Cette notion de monde, si elle est à rapprocher de celle que Heidegger avait mise au centre de ses recherches, doit toutefois en être distinguée comme on peut le voir, par exemple, dans son interprétation de Nietzsche. Pour Fink, Nietzsche, contrairement aux lectures qu'en proposait Heidegger, « a dépassé le plan ontologique des problèmes de la métaphysique » en s'acheminant vers une « philosophie cosmologique » qui culmine dans son idée du jeu : « Là où Nietzsche comprend l'être et le devenir en tant que jeu, il n'est plus prisonnier de la métaphysique. » Cette conception cosmologique du jeu, Fink la développera dans son livre sur le jeu. Les jeux par quoi les hommes font leur apprentissage de la vie et du monde sont les signes ou symboles du jeu du tout et du rien, de l'être et du néant qu'est le monde pensé et vécu « cosmologiquement ». C'est tout naturellement sur une « anthropologie existentiale » que débouchent les recherches de Fink : « l'homme est relation », ni parfait, car toujours inachevé, ni imparfait,[...]

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Francis WYBRANDS. FINK EUGEN (1905-1975) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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