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DISPOSITION, sociologie

La définition usuellement retenue pour caractériser le concept non mécaniste de « disposition » est à peu près celle-ci : « avoir une disposition, c’est être enclin à agir de telle ou telle manière dans telles ou telles circonstances » (Emmanuel Bourdieu, 1998). Ainsi le « purisme critique » de Galilée est-il, selon Erwin Panofsky (1992), la propriété fondamentale en fonction de laquelle s’organise tout son comportement, lui conférant sa cohérence et son style propre. Le mot « disposition », souligne Pierre Bourdieu (1972), paraît particulièrement approprié pour exprimer ce que recouvre le concept d’habitus, défini comme système de dispositions. En effet, « il exprime d’abord le résultat d’une action organisatrice présentant alors un sens très voisin de mots tels que structure ; il désigne par ailleurs une manière d’être, un état habituel (en particulier du corps) et, en particulier, une prédisposition, une tendance, une propension ou une inclination ».

La plupart des définitions de l’habitus énoncées par Bourdieu « prennent la forme de dyptiques juxtaposant les deux versants du concept, le passif et l’actif, l’avant et l’après » (Héran, 1987). L’habitus est intériorisation de l’extériorité, une « structure structurée » produit de l’intériorisation des structures sociales. Symétriquement, l’habitus assure une structuration cognitive de la situation qui engage la problématique d’action : il est propension à agir et principe organisateur des pratiques, extériorisation de l’intériorité et une structure structurante.

L’existence d’une disposition permet de prévoir que « dans toutes les circonstances concevables d’une espèce déterminée, un ensemble déterminé d’agents se comportera d’une manière déterminée ». Mais les dispositions ne conduisent pas de manière déterminée à une action déterminée : « elles ne se révèlent et ne s’accomplissent que dans des circonstances appropriées et dans la relation avec une situation » (Bourdieu, 1997). « Les pratiques ne se laissent déduire ni des conditions présentes qui peuvent paraître les avoir suscitées, ni des conditions passées qui ont produit l’habitus, principe durable de leur production » (Bourdieu, 1980) : la pratique est le produit de la relation dialectique entre une situation et un habitus. Dans La Distinction (1979), il propose la formule : [(habitus) + (champ) = pratique]. Pour rendre compte des pratiques, il faut alors distinguer, d’une part, des domaines de la pratique plus ou moins explicitement réglés, « un des pôles du continuum étant constitué par des domaines apparemment “libres” parce qu’abandonnés en fait à l’habitus et à ses stratégies automatiques, l’autre étant représenté par les domaines expressément réglés par des normes éthiques et surtout juridiques explicitement constituées et soutenues par des sanctions sociales » (Bourdieu, 1972), et, d’autre part, les cas d’ajustement des schèmes de l’habitus à la situation et les cas de décalage. De façon générale, il faut donc mettre en rapport les conditions sociales dans lesquelles s’est constitué l’habitus et celles de sa mise en œuvre. La dialectique des dispositions et des situations débouche ainsi sur une conception non déterministe de l’action : comme le souligne Jacques Bouveresse (1995), les régularités constatées comportent un élément de variabilité, de plasticité et d’indétermination et impliquent des adaptations, des innovations et des exceptions propres au domaine de la pratique, de la raison pratique et du sens pratique. C’est pourquoi, grammaire génératrice des pratiques et de stratégies, l’habitus, est à la fois principe d’improvisation, principe de cohérence et principe de reproduction des pratiques.

Dans le cadre de cette problématique, il est très peu probable qu’une disposition disparaisse[...]

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Pour citer cet article

Gérard MAUGER. DISPOSITION, sociologie [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ATTRIBUTION CAUSALE, psychologie sociale

    • Écrit par Olivier CORNEILLE
    • 961 mots

    Afin de mieux comprendre et prédire leur environnement, les individus tentent régulièrement d’identifier les causes responsables d’événements physiques et de comportements sociaux. L’attribution causale concerne les processus psychologiques impliqués dans ce raisonnement. Elle peut également...

  • HABITUS

    • Écrit par Frédéric GONTHIER
    • 1 525 mots
    ...jugement et où l'expérience se structure en retour (Husserl, 1939). Selon Bourdieu, la notion d'habitus permet de déporter la primauté explicative des dispositions empiriquement acquises vers la manière de les acquérir. Elle doit être ainsi posée comme un « principe générateur (et unificateur) de pratiques...