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POINCARÉ CONJECTURE DE

Illustration de la conjecture de Poincaré - crédits : Encyclopædia Universalis France

Illustration de la conjecture de Poincaré

À la fin du « Cinquième complément à l'Analysissitus » (1904),Henri Poincaré (1854-1912) pose la problématique connue depuis lors sous le nom de « conjecture de Poincaré »: caractériser la sphère parmi les espaces fermés et finis à trois dimensions (que l'on appelle des variétés compactes). Précisément, la conjecture affirme que, dans un tel espace, si toute courbe fermée peut se déformer de manière continue en un point, alors l'espace est une sphère; un tel espace est dit simplement connexe. Ce problème a été l'une des questions les plus importantes du xxe siècle en topologie.

Grigori Perelman (né en 1966), mathématicien russe de Saint-Pétersbourg, a mis sur Internet, en 2002 et 2003, trois articles prouvant cette conjecture. La méthode, introduite par le mathématicien américain Richard S. Hamilton (né en 1943), est analytique. En un point d'une variété, on nomme « espace tangent » l'ensemble des vecteurs vitesse des courbes passant par ce point et on appelle « forme d'une variété » la donnée en chaque point d'un produit scalaire permettant de mesurer les longueurs et les angles de ces vecteurs (c'est une métrique riemannienne). Le défaut à ce que l'espace ainsi obtenu soit euclidien est mesuré par les différentes notions de courbure, la sphère ronde telle que nous la connaissons ayant une courbure constante.

La méthode mise au point par Hamilton et développée par Perelman consiste à modifier la forme d'un espace simplement connexe afin de rendre sa courbure constante; on sait alors montrer facilement que c'est une sphère. Cela se traduit par une équation d'évolution affirmant que la dérivée temporelle de la métrique (g) est un multiple de la courbure dite de Ricci: dg/dt = – 2 Ric(g(t)). Au cours de l'évolution, des singularités apparaissent qui correspondent à des points où la courbure devient infinie positive la métrique n'est alors plus définie. Dans le travail de Perelman, on trouve une description précise de la forme de la variété au voisinage de ces points qui permet d'opérer ce que l'on appelle une chirurgie; cela consiste à couper l'espace au voisinage de ces points, à se débarrasser des composantes indésirables et à définir une métrique sur la partie restante, convenablement rebouchée, pour poursuivre la déformation. Cette idée de chirurgie figure dans les travaux d'Hamilton, mais c'est Perelman qui l'a rendue efficace et qui a montré qu'en un nombre fini d'étapes le processus ci-dessus aboutit à une sphère si l'espace de départ est simplement connexe. Cette méthode prouve également une conjecture plus vaste, dont le but est de décrire toutes les variétés à trois dimensions, et qui est appelée la « conjecture de Thurston ».

La preuve de Perelman est très schématique et plusieurs équipes se sont attachées à rédiger les détails, dans des travaux de centaines de pages parus respectivement en mai, juin et juillet 2006: Bruce Kleiner et John Lott (États-Unis); Cao Huaidong (États-Unis) et Zhu Xiping (Chine); John Morgan et Gang Tian (États-Unis). Une polémique s'en est suivie, concernant l'attribution du mérite du travail. D'autres équipes, notamment en Europe, essayent maintenant d'écrire des versions différentes en simplifiant la preuve.

Pour ces travaux, le Congrès international de mathématiques de Madrid, en août 2006, a décerné à Grigori Perelman la médaille Fields, qu'il a refusée.

— Gérard BESSON

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Écrit par

  • : directeur de recherche au C.N.R.S., Institut Fourier, université de Grenoble-I

Classification

Pour citer cet article

Gérard BESSON. POINCARÉ CONJECTURE DE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Illustration de la conjecture de Poincaré - crédits : Encyclopædia Universalis France

Illustration de la conjecture de Poincaré

Autres références

  • FREEDMAN MICHAEL HARTLEY (1951- )

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 307 mots

    Mathématicien américain, lauréat de la médaille Fields en 1986. Né le 21 avril 1951 à Los Angeles (Californie), Michael Hartley Freedman soutient sa thèse de doctorat à l'université de Princeton (New Jersey) en 1973 ; il enseigne à l'université de Californie à Berkeley de 1973 à 1975, puis rejoint...

  • POINCARÉ HENRI (1854-1912)

    • Écrit par Gérard BESSON, Christian HOUZEL, Michel PATY
    • 6 137 mots
    • 2 médias
    À la fin du « Cinquième Complément à l'Analysis situs » (1904), Henri Poincaré pose la problématique connue depuis lors sous le nom de « conjecture de Poincaré » : caractériser la sphère parmi les espaces fermés et finis à trois dimensions (que l'on appelle des variétés compactes). Précisément,...
  • SINGULARITÉS DES FONCTIONS DIFFÉRENTIABLES, la théorie mathématique et ses applications

    • Écrit par Alain CHENCINER
    • 9 832 mots
    • 19 médias
    ...de Morse avec seulement deux points critiques est homéomorphe à une sphère. Utilisant cela, S. Smale a résolu affirmativement en 1965 la conjecture de Poincaré en grande dimension, montrant qu'une variété compacte simplement connexe N de dimension n ≥ 5 ayant même homologie que la sphère ...
  • SMALE STEPHEN (1930- )

    • Écrit par Jacques MEYER
    • 322 mots

    Mathématicien américain né le 15 juillet 1930 à Flint (Michigan). Après des études à l'université du Michigan (où il passa son doctorat en 1956), Stephen Smale enseigna à l'université Columbia (1961-1964), puis à Berkeley à partir de 1964. En 1966, il reçut le prix Veblen de l'American Mathematical...

Voir aussi