COMPRESSION SYNDROME DE ou SYNDROME D'ÉCRASEMENT
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Syndrome d'écrasement ou de compression, syndrome des ensevelis sont autant de termes pour définir une entité clinique bien connue, qui est la résultante d'une nécrose musculaire ischémique par compression prolongée et étendue conduisant à la constitution d'un état de choc grave et à l'apparition secondaire d'une néphropathie avec insuffisance rénale aiguë.
Le syndrome des ensevelis ainsi défini a été décrit la première fois complètement par Bywaters lors des bombardements de Londres en 1941 au cours de la Seconde Guerre mondiale. C'est aussi une pathologie de temps de paix puisque Von Colmes, en décembre 1908, lors du tremblement de terre de Messine, en avait soupçonné l'existence. C'est donc une atteinte ubiquitaire qui peut s'observer aussi bien dans les catastrophes naturelles (séismes, avalanches, glissements de terrain avec effondrements des constructions) que lors d'accidents technologiques (explosions d'immeubles, effondrements miniers, accidents du trafic routier ou ferroviaire) où les victimes sont coincées . Le dénominateur commun réside dans le fait que les victimes sont ensevelies sous des décombres et des matériaux divers, immobilisées et comprimées sans que la mort s'ensuive immédiatement ; c'est donc avant tout une pathologie de rescapé et le plus souvent une atteinte collective.
Classiquement, le syndrome de compression évolue en trois phases :
La première est celle de l'agression initiale. Par le passé, il n'y avait que peu de données cliniques sur cette période, les médecins, en milieu hospitalier, ne pouvant observer que les victimes qui arrivent vivantes. On sait actuellement que lors d'un effondrement d'immeuble, par exemple, les secours médicalisés auront à faire face à trois sortes de victimes : les sujets emmurés, intacts mais prisonniers ; les sujets écrasés et dont les lésions sont rarement compatibles avec une survie prolongée ; et les sujets ensevelis pour lesquels les facteurs de gravité sont représentés essentiellement par l'intensité et la durée de la compression, des lésions (membres inférieurs, membres supérieurs, etc.), la topographie et la masse musculaire comprimée. Cette phase se caractérise par la constitution d'un état de choc dont l'intensité croît avec la durée de compression.
La deuxième phase commence au moment où la victime ensevelie est entièrement dégagée ; il n'y a pas de lésions traumatiques apparentes (plaies, fractures), mais en fait il existe, en fonction de la durée de compression, des lésions locales tout à fait caractéristiques (membre comprimé augmenté de volume avec œdème, impotence fonctionnelle, phlyctènes), l'état général est plus ou moins altéré.
La troisième phase observée à l'hôpital est caractérisée par l'aggravation de l'état général et l'apparition d'une insuffisance rénale à évolution fatale en l'absence de traitement.
Comme pour la plupart des grandes urgences accidentelles, la prise en charge des victimes ensevelies doit commencer sur le terrain.
Compte tenu du caractère souvent collectif des accidents, il est indispensable d'assurer une parfaite organisation des secours : la recherche avec détection et localisation de la victime est l'étape indispensable ; dès que possible la médicalisation du dégagement sera assurée, l'équipe médicale réalise, suivant le niveau d'accessibilité de la victime, un certain nombre de soins élémentaires : perfusion et remplissage vasculaire, alcalinisation, sédation et éventuellement, en fonction des possibilités, intubation et contrôle ventilatoire.
Dès le dégagement, grâce au plateau technique et aux moyens que l'équipe médicale aura concentrés sur le site, des soins d'urgence vont pouvoir être dispensés. Pour les ensevelis ayant subi une compression intense et de durée supérieure à huit heures, la pose d'un garrot à la racine des membres comprimés représente une thérapeutique indispensable pour éviter un arrêt cardiaque brutal au moment du dégagement. Chez ceux où l'on redoute un danger évolutif majeur lié à la précarité de l'état général, l'amputation sur les lieux peut se justifier.
En milieu hospitalier, le traitement fait appel à des protocoles thérapeutiques bien codifiés : traitement du choc sous surveillance hémodynamique, prévention de l'infection (antibiothérapie et séro-anatoxinothérapie), relance de la diurèse et, en cas d'échec, épuration extra-rénale (hémodialyse ou dialyse péritonéale). Le traitement local peut être à visée conservatrice (aponévrotomies de décharges, excisions, etc.) quand l'état général s'améliore rapidement ; dans les formes graves, malgré l'importance voire la sophistication des soins entrepris, le traitement conservateur se solde par un échec et l'amputation est alors indispensable.
En situation d'urgence collective et de catastrophe, la présence de très nombreux ensevelis pose un problème de stratégie médicale qui rend encore plus impérieuse la coordination de la chaîne des secours médicaux où la simplification des soins est indispensable et les traitements conservateurs totalement exclus.
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Écrit par
- René NOTO : médecin-colonel, anesthésiste-réanimateur, chargé de l'enseignement de la médecine d'urgence et de la médecine de catastrophe au service de santé des armées
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