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COLONAT, Rome

Les colons dans le monde romain se définissent par deux critères : d'une part, ils appartiennent à la plèbe, c'est-à-dire au milieu des hommes libres, mais pauvres ; d'autre part, ils travaillent à la campagne.

Cette couche sociale est connue en particulier grâce à quatre grandes inscriptions trouvées en Afrique, dans la vallée de la Medjerda, à Henchir-Mettich, Aïn el-Djemala, Souk el-Khemis et Aïn Ouassel. Elle apparaît déjà constituée sous Domitien, puisque Frontin en parle, mais son origine pourrait remonter à l'époque préromaine. Des textes juridiques définissent son statut, en particulier la lex manciana, qui pourrait être antérieure à la conquête, une loi d'Hadrien et une abondante jurisprudence. Sous le Haut-Empire, trois traits définissent le colon : il possède la liberté ; il peut transmettre à son fils son droit à exploiter la terre qu'il travaille, c'est-à-dire qu'il est propriétaire de fait ; il est lié par un contrat de métayage relativement léger : il doit livrer au maître du sol environ un tiers des produits et effectuer quelques jours de corvées à son service. Le fait que ces hommes appartiennent à la plèbe leur donne la possibilité d'en appeler à l'empereur s'ils estiment être victimes des fermiers et intendants, ce qui arriva dans l'affaire dite du saltus burunitanus (180-182), connue grâce à une inscription trouvée en Afrique. Pourtant, beaucoup venaient d'un milieu très humble, puisqu'ils étaient pérégrins ou affranchis, tous étant également pauvres.

L'émergence de ce groupe s'est produite avec lenteur ; loin d'être la conséquence d'une crise, elle accompagne au contraire une phase de développement économique caractérisée par une extension des cultures au détriment de l'élevage nomade. Les colons se trouvent sur de grands domaines qui peuvent s'être constitués à la suite d'opérations de sédentarisation, ou qui remontent à l'époque préromaine. Sur ces derniers a toujours existé une forme de dépendance qui préfigurait celle du Haut-Empire ; pour les autres, les autorités les ont confiés à des fermiers (conductores).

La crise du iiie siècle a provoqué une généralisation de cette institution qui est devenue au ive siècle la forme normale d'exploitation du sol. Mais les hommes n'ont plus les mêmes origines : certes, on compte encore beaucoup de citoyens ; mais on trouve aussi des Barbares installés et des fils de paysans, car l'hérédité a été généralisée par la loi. Certaines des caractéristiques du iie siècle perdurent : hérédité, propriété de fait, métayage ; ce groupe social a moins évolué que d'autres. Le colon échappe au contrôle et à la protection de l'État, car c'est le maître du domaine qui exerce dorénavant ces fonctions.

La lex manciana est encore attestée à l'époque vandale dans des documents appelés « les tablettes Albertini », du nom de l'inventeur de ces objets. Le colonat du Bas-Empire ouvre la voie au servage du Moyen Âge.

— Yann LE BOHEC

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Pour citer cet article

Yann LE BOHEC. COLONAT, Rome [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ROME ET EMPIRE ROMAIN - Le Haut-Empire

    • Écrit par Yann LE BOHEC, Paul PETIT
    • 35 262 mots
    • 17 médias
    ...une classe solide de petits possessores, aux droits et aux devoirs bien définis, soustraits aux abus des procurateurs et des gérants. Cette forme de colonat se répandit aussi dans les domaines privés et est attestée d'abord en Afrique (lois épigraphiques d'Henchir-Mettich, d'Aïn-el-Djemala). Le Sénat...

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