DESRAIS CLAUDE-LOUIS (1746-1816)

Célèbre pour les figures de mode des Costumes français de la Galerie des modes éditée par Jacques Esnault et Michel Rapilly entre 1778 et 1787, l'illustrateur Claude-Louis Desrais a souvent éclipsé ses confrères, Pierre-Thomas Leclerc et François Watteau (dit de Lille), les érudits et les collectionneurs lui attribuant de préférence la paternité de nombreux dessins anonymes. Néanmoins, ses figures, le plus souvent au lavis bistre, sont presque toujours soigneusement signées et datées, pratique assez commune aux dessinateurs travaillant pour l'édition de livres. Neveu d'Étienne Desrais, directeur de l'Académie de Saint-Luc, élève de François Casanova, il fut admissible à l'Académie royale en 1771 et 1772, mais il abandonna ensuite la peinture au profit du dessin et de l'eau-forte. Dès 1770, il publiait à ses frais des gravures de circonstance pour le mariage du Dauphin avec Marie-Antoinette d'Autriche, puis il travailla pour les libraires-éditeurs Desnos, Costard ou la veuve Duchesne, fournissant frontispices et figures pour des poèmes à la mode comme ceux de J. Dorat. À cette époque, il fréquentait les mêmes loges maçonniques que de nombreux peintres et graveurs : La Vraie Lumière en 1773, puis Polymnie en 1777 et La Réunion des arts l'année suivante. La mode étant devenue alors un succès de librairie, il donna plusieurs séries de costumes pour les éditeurs de la rue Saint-Jacques : en 1778, une suite de Nouvelles Modes pour le compte de la veuve Avaulez et les cahiers, de six planches chacun, des Costumes français de Esnault et Rapilly, entreprise ambitieuse poursuivie avec des fortunes diverses jusqu'en 1787. Cette suite célèbre comporte soixante-treize dessins de Desrais.

Depuis quelque temps déjà, il travaillait pour les deux associés, notamment pour les portraits qu'ils publiaient plus ou moins licitement en faisant copier des dessins et des gravures originales appartenant à d'autres libraires. La qualité des figures dessinées par Desrais incita les concurrents de Esnault et Rapilly à l'engager pour collaborer à des éditions pirates telles que les Habillemens modernes et galans de François Basset en 1780 et les vignettes de l'almanach de Desnos en 1781, intitulé Recueil général des différens habillemens et les coeffures les plus élégantes des hommes et des femmes. Lorsque le libraire Buisson édita en novembre 1785 Le Cabinet des modes, premier journal de mode, ce fut tout naturellement Desrais qui fournit les dessins des trois gravures de chaque livraison, constituée presque uniquement de la description de ces gravures. Desrais trouvait un autre avantage dans ce travail, car les planches lui servaient de répertoire de figures pour animer les scènes de genre que lui demandaient les marchands libraires : ainsi procéda-t-il pour la belle gravure intitulée La Promenade du jardin du Palais-Royal gravée par Lecœur en 1787. Il collaborait alors à deux publications importantes, Les Costumes des peuples du monde de Grasset Saint Sauveur et Les Annales des grands théâtres de Paris, recueil des acteurs les plus célèbres représentés dans les costumes de leurs rôles. En octobre 1793, la Commune des arts le reçut comme dessinateur ; puis, en 1795, il se consacre à nouveau à l'illustration de mode, donnant en particulier une planche très diffusée, la Promenade du boulevard des Italiens. Deux ans plus tard, lorsque parurent de nombreux journaux de mode, il reprit sa place dans cette branche de l'illustration parisienne : on lui attribue par exemple les cent quarante-quatre premières planches du Journal des dames et des modes de Pierre de La Mésangère. Les excentricités des modes parisiennes de cette époque lui inspirèrent, à l'imitation de Carle Vernet, un recueil intitulé Les Héroïnes d'aujourd'hui, paru en 1799. Sous l'Empire, il semble s'être cantonné[...]