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SAURA CARLOS (1932-2023)

Le réalisateur espagnol Carlos Saura, qui a souvent filmé des maisons isolées, vivait depuis longtemps dans une grande propriété située à Collado Mediano, dans la sierra de Guadarrama (au nord-ouest de Madrid), où il accumulait et réparait d’innombrables appareils photographiques. Cet expérimentateur a tout accueilli avec enthousiasme, même l’arrivée du cinéma digital. Les limites de la production espagnole ne lui ont pas permis de réaliser tous les projets dont il rêvait.

Carlos Saura - crédits : Gianni Ferrari/ Cover/ Getty Images

Carlos Saura

Carlos Saura a réalisé une cinquantaine de films, transposé au théâtre Le colonel n’a personne pour lui écrire (2020) de Gabriel García Márquez, proposé une version moderne du Grand Théâtre du monde de Calderón de la Barca (2013), mis en scène l’opéra Don Giovanni (2009) de Mozart, multiplié dès son plus jeune âge croquis et photographies où se révélait un sens aigu du cadrage et du contraste. À la fin de sa vie, le réalisateur a développé les fotosaurios,des photogrammes extraits de ses films sur lesquels il dessinait et peignait.

La fascination pour la photographie de Carlos Saura, né le 4 janvier 1932 à Huesca, en Aragon (Espagne), paraît condensée dans une scène d’Elisa, mon amour (Elisa, vida mía, 1977), dans laquelle le personnage de Géraldine Chaplin explique que, parmi toutes les inventions, celle qui l’effraie le plus est la photographie, car elle produit une sorte de miracle. On observera que plusieurs des films du cinéaste, d’Anna et les Loups (Ana y los Lobos, 1973) jusqu’à Salomé (2002), s’ouvrent sur une succession de clichés. Les directeurs de la photographie Luis Cuadrado, Teo Escamilla, José Luis Alcaine, José Luis López Linares et Vittorio Storaro – à partir de Flamenco (1995) – ont aimé travailler aux côtés de cet artiste qui maîtrisait si bien la photographie. Avec l’appui de Storaro, le cinéaste parviendra d’ailleurs, dans Goya à Bordeaux (Goya en Burdeos, 1999), à créer une exploration de l’univers pictural d’une splendeur formelle et d’une audace narrative inégalée.

Comme Buñuel, Bergman et Fellini, dont l’imagination invitait à franchir le seuil des apparences, Carlos Saura aspirait à créer des métaphores et, dans l’art, aimait le mystère. Un personnage de Pajarico(1997) ouvre un livre et, devant la reproduction d’un tableau de Brueghel, dit à un enfant que l’art véritable dégage du mystère. Aussi le réalisateur récusait-il fermement l’appauvrissante interprétation symbolique des films réalisés pendant le franquisme répétée jusqu’à satiété par les critiques de cinéma. Néanmoins, dans cette première période de création sous la dictature franquiste, un film « cryptique » conserve toute sa force : La Chasse(La Caza, 1966). À l’écran, les retrouvailles de trois amis chasseurs dans les dunes desséchées des monts de Tolède virent au règlement de compte sanglant alors que le passé refoulé de chacun refait surface. Le succès de ce long-métrage au festival de Berlin, où il reçut l’Ours d’argent, marqua un premier jalon d’une reconnaissance internationale durable. Au-delà de la seule évocation frontale de la guerre civile espagnole dans ¡Ay, Carmela!(1990), le traumatisme de cette période se glisse à l’arrière-plan de plusieurs films de Saura : La Chasse, Taxi de noche (1996) ; Le SeptièmeJour (El SéptimoDía, 2004). D’après le cinéaste, la guerre civile a été davantage la conséquence de rancunes séculaires que d’un affrontement idéologique. Ses courts-métrages tardifs Rosa Rosae. La Guerra civil et Goya 3de mayo, tous deux diffusés en2021, portent encore la trace de son cortège d’atrocités.

Antonio Gades - crédits : ullstein bild/ Getty Images

Antonio Gades

La passion pour la musique de ce fils de pianiste semble une évidence. La série de films où se rejoignent le spectacle, le théâtre, la danse et la musique populaire, allant du flamenco – avec la trilogie composée de Noces de sang (Bodas de sangre), 1981 ; Carmen[...]

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Pour citer cet article

Floreal PELEATO. SAURA CARLOS (1932-2023) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Carlos Saura - crédits : Gianni Ferrari/ Cover/ Getty Images

Carlos Saura

Antonio Gades - crédits : ullstein bild/ Getty Images

Antonio Gades

Autres références

  • CRIA CUERVOS, film de Carlos Saura

    • Écrit par Michel MARIE
    • 966 mots

    Cria Cuervos est le dixième long-métrage de Carlos Saura, mais c'est le film qui l'a fait connaître en France. Jusqu'en 1976, le cinéma espagnol n'est distribué à Paris que de manière très confidentielle. Le premier long-métrage de Saura, Los Golfos (1959), version personnelle...

  • ESPAGNOL CINÉMA

    • Écrit par Jean-Louis COMOLLI
    • 1 301 mots

    On peut faire remonter à 1896 les premières manifestations cinématographiques en Espagne. Le 15 mai, un représentant des frères Lumière organise la première projection à Madrid et, à la fin de l'année, un Espagnol filme La Sortie de la messe de midi à l'église du Pilar de Saragosse...

  • GADES ANTONIO (1936-2004)

    • Écrit par Martine PLANELLS
    • 1 062 mots
    • 1 média
    ...rigueur primitive. Noces de Sang (1974), d'après l'œuvre de Federico García Lorca, en est l'illustration parfaite. En voyant le spectacle, Carlos Saura dira : « J'aime ce que Gades a fait de Lorca... Gades ne voulait pas d'une interprétation à l'andalouse avec des gitans et des murs blancs....
  • JEUX OLYMPIQUES - Le cinéma et les Jeux

    • Écrit par Pierre LAGRUE
    • 3 438 mots
    ...des Jeux. L'idée de confier la réalisation d'un « film officiel » à un maître du septième art n'était pas totalement morte pour autant. Ainsi, en 1992, Carlos Saura réalise le film officiel des Jeux de Barcelone, intitulé Marathon : ce titre n'est pas anodin, puisque le film dure 2 h 20 min, soit le...

Voir aussi