ALMQVIST CARL JONAS LOVE (1793-1866)
Le romantisme suédois présente, d'emblée, une physionomie originale. Il évite les excès du mysticisme allemand, ne donne qu'avec prudence dans le nationalisme scandinave et reste fidèle à la tendance suédoise profonde au réalisme. En même temps, son style demeure soumis aux exigences de clarté et de mesure inculquées par un siècle d'imprégnation classique française, et sa pensée se tourne volontiers vers les réformes d'avenir. De ce mélange de mysticisme, de classicisme, de réalisme et de libéralisme, nul ne donne mieux l'exemple que l'étrange figure de C. J. L. Almqvist.
Né à Stockholm, précoce mais maladif, le jeune Almqvist évolue dans les hautes sphères de la société suédoise. En 1808, il entreprend des études supérieures à Uppsala et en sort, licencié, en 1815. Il a acquis une immense culture désordonnée, d'où émergent ses maîtres : Swedenborg avant tout, puis Rousseau ; ensuite, pêle-mêle, Ossian, les premiers romantiques allemands, les romanciers « noirs » anglais, auxquels s'ajouteront, plus tard, Walter Scott, Balzac, Hugo et Lamennais — le romantisme sous tous ses aspects. Il accepte d'abord divers emplois administratifs à Stockholm. Surtout, en 1817, il fonde avec quelques amis une société dont le dessein est de divulguer la pensée de Swedenborg selon une perspective chrétienne « gothique », c'est-à-dire tendant à asseoir le nationalisme suédois sur la religion chrétienne.
Son premier ouvrage remarqué, Qu'est-ce que l'amour ? (Hvad är kärlek ? 1816) nous éclaire sur ce qui restera l'une des préoccupations constantes de sa pensée : les rapports du couple. C'est le départ d'une œuvre innombrable, tumultueuse, inégale, où passent toutes les tendances, tous les frémissements de l'idéalisme et de la mystique, tempérés pourtant par un réalisme aux vues d'avenir particulièrement audacieuses. Murnis (1819) fait une peinture bizarre, sensuelle de la vie d'amants célestes, dans l'esprit de Swedenborg. Amorina (1822), composition mi-lyrique, mi-dramatique, chaotique et de lecture pénible, a pourtant le mérite de présenter la plus fascinante des créations d'Almqvist : l'hermaphrodite Tintomara, symbole significatif de ses aspirations lyriques et mystiques.
À cette époque, il est donc un swedenborgien réformé, spiritualiste, parti à la recherche de la connaissance de la « vraie vie », du divin, peu enclin au rationalisme, passionnément dressé contre la morale dogmatique, épris de sentimentalisme religieux. On sent percer l'opposition au milieu, à la tradition. La révolte ouverte éclatera bientôt. De plus, imprégné des théories de Rousseau, celle du retour à la nature surtout, il décide de tenter l'expérience : il abandonne son métier, son entourage, et va s'établir au fond du Värmland pour y mener la vie saine et primitive du « bon sauvage », cultiver la terre, travailler de ses mains dans sa ferme. Pour parfaire le tableau, il épouse une jeune paysanne en 1824. Ce sera un échec. La ferme, mal gérée, périclite ; l'union est malheureuse. Il abandonne et rentre à Stockholm en 1825 pour devenir instituteur, puis directeur d'école, fonctions qu'il conservera de 1829 à 1840. Il compose pour ses élèves divers manuels, huit en tout, selon des méthodes pédagogiques neuves, entreprend un immense travail sur la géopolitique mondiale, Histoire de l'espèce humaine (1839, Människoslägtets saga), qui reste inachevé, s'attelle à un précieux Dictionnaire de la langue suédoise, également inachevé. À partir de 1830, il rassemble ses innombrables écrits dans des recueils qui portent le titre général de Livre de l'églantine (1re série, 13 vol., 1832-1840 ; vol. 14, 1851 ; 2e série, 2 vol., 1849-1850).
En 1837, il embrasse la carrière religieuse et devient[...]
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Écrit par
- Régis BOYER : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne
Classification
Autres références
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SARA, Carl Jonas Love Almqvist - Fiche de lecture
- Écrit par Régis BOYER
- 779 mots
En 1839 parut en Suède, un petit livre intitulé Det går an, dont le titre en français est Sara, dû au plus flamboyant de tous les romantiques suédois, Carl Jonas Love Almqvist (1793-1866), et qui alluma l'un des brûlots les plus endiablés de son temps parce qu'il peignait un féminisme fracassant...
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STRINDBERG AUGUST (1849-1912)
- Écrit par Régis BOYER
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...chez Strindberg, un passionné de sociologie. On n'a pas assez vu qu'il avait, en Suède même, un maître en la personne du tumultueux romantique C. J. L. Almqvist. C'est sans doute à son exemple qu'il entreprend une curieuse histoire du petit peuple suédois qui est, pour lui, celle de son pays même, sous... -
SUÈDE
- Écrit par Régis BOYER , Michel CABOURET , Maurice CARREZ , Georges CHABOT , Encyclopædia Universalis , Jean-Claude MAITROT , Jean-Pierre MOUSSON-LESTANG , Lucien MUSSET , Claude NORDMANN et Jean PARENT
- 35 773 mots
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Carl Jonas Love Almqvist (1793-1866) est le fruit de la lente évolution que l'on vient d'esquisser. Aventurier de haute volée qui mourra exilé et soupçonné de faux sinon de tentative d'empoisonnement, cet écrivain qui fut aussi directeur d'école et pasteur luthérien reste la première et la plus vivante...