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GEREMEK BRONISLAW (1932-2008)

Bronisław Geremek fut une grande figure de l'opposition anticommuniste et un des personnages clés de la transformation démocratique en Pologne. Son parcours intellectuel et politique a personnifié une réussite qui, de la fondation du syndicat Solidarité en 1980 à l'adhésion de la Pologne à l'Union européenne en 2004, a permis de réunifier l'Europe. Unanimement reconnu pour ses hauteurs de vue, Geremek en restera l'un de ses grands artisans.

Né le 6 mars 1932 à Varsovie dans une famille juive respectueuse de la tradition, son parcours fut d'abord celui d'un intellectuel plus préoccupé par les souffrances du monde que par la politique. Rescapé, avec sa mère, du ghetto de Varsovie, alors que son père et son frère (ce dernier survécut) étaient déportés à Auschwitz, il grandit à la campagne dans une famille catholique. Revenu dans la capitale en 1948, il entreprit des études d'histoire et devint un des spécialistes polonais du Moyen Âge. Francophone et francophile, il mena ses recherches sur les « marginaux parisiens » et enseigna à la Sorbonne (séjours en 1956, 1957, 1962-1965) ; il fut un des pionniers sur ces sujets, dans l'esprit de l'école des Annales. Élève de l'historien polonais Marian Małowist, il reconnut en Fernand Braudel et Georges Duby ses maîtres ; toute sa vie, il entretint une profonde amitié avec l'historien Jacques Le Goff. « Le médiéviste que je suis, aimait-il à dire, s'est formé au carrefour des influences de l'école historique polonaise et de l'école historique française. » Il laisse une œuvre qui fait référence en histoire médiévale.

Son intérêt pour la politique fut, dès le début, mêlé à son éveil intellectuel. Lorsqu'il revint à Varsovie, comme militant dans une organisation de jeunes catholiques, il fut séduit par la nouvelle idéologie marxiste qui s'imposait alors. Il adhéra au Parti communiste en 1950, mais se tourna aussitôt vers des penseurs originaux, tels que le philosophe Leszek Kołakowski ou le sociologue Stanisław Ossowski. Et, tout naturellement, en rentrant de Paris en 1965, il a rejoint leur courant d'opposition, dit « révisionniste » : « Je me reconnaissais dans ce mélange de marxisme et d'humanisme », « l'antithèse de la dictature, du pouvoir du parti unique ». Puis la campagne antisémite du Parti communiste suivie de l'intervention des troupes du pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie lui ouvrirent définitivement les yeux en 1968 : « J'ai quitté le parti dès le mois d'août. » Il avait trente-six ans.

Dès lors, Bronisław Geremek s'affirma et marqua l'histoire de son pays. L'opposant et le combattant pour la démocratie s'est révélé quand, enseignant à l'université de Varsovie (il ne sera reconnu professeur qu'en 1989), il participa à des groupes de réflexion politique puis, à partir de 1978, collabora avec le K.O.R. (Comité de défense des ouvriers). En août 1980, il apporta à Gdańsk, avec Tadeusz Mazowiecki, une lettre de soutien des intellectuels aux grévistes des chantiers navals ; ceux-ci lui demandèrent de rester auprès d'eux comme expert. Il devint alors conseiller de Lech Wałȩsa et son aventure se confondit avec celle du premier syndicat indépendant du bloc communiste. Emprisonné en décembre 1981, il fut un des derniers libérés par le général Wojciech Jaruzelski. Toutefois, il fut le premier à rétablir, en 1988, les contacts entre le syndicat clandestin Solidarité et les communistes en vue de parvenir à un compromis pour la passation des pouvoirs. L'accord de la « table ronde » fut signé en février 1989 ; il ouvrit la voie à la démocratie.

Geremek a pu alors s'affirmer en tant qu'homme politique. Président du groupe parlementaire issu de Solidarité, il a fait preuve d'une grande force de conviction,[...]

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Écrit par

  • : historien, chargé d'enseignement à l'Institut d'études européennes, université de Paris-VIII

Classification

Pour citer cet article

Jean-Yves POTEL. GEREMEK BRONISLAW (1932-2008) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • PAUVRETÉ SOCIOLOGIE DE LA

    • Écrit par Nicolas DUVOUX
    • 3 451 mots
    • 1 média
    ...montré que, si la pauvreté volontaire pouvait être valorisée, les pauvres « réels » étaient quant à eux sujets à un traitement beaucoup plus ambivalent. Bronisław Geremek l’a montré, à partir de la manière dont les mendiants parisiens étaient traités dans une oscillation permanente et structurelle entre...

Voir aussi