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AXIONOV ou AXENOV VASSILI PAVLOVITCH (1932-2009)

Vassili Axionov - crédits : Stéphane De Sakutin/ AFP

Vassili Axionov

Chantre des espoirs puis des déceptions de la « génération des années soixante », devenue adulte pendant la période du « dégel » qui suit la mort de Staline, le prosateur et dramaturge Vassili Axionov est né en 1932 à Kazan, dans une famille de fidèles communistes victime de la répression stalinienne : son père et sa mère, Evguenia Guinsbourg, dont les Mémoires sont célèbres, sont arrêtés en 1937 et envoyés en camp. L'enfant est élevé par sa tante, puis rejoint à seize ans sa mère, qui est en relégation à Magadan. Il achève des études de médecine à Leningrad et exerce de 1956 à 1960. Dès 1959 il publie des récits dans la revue Iunost', fer de lance de la « prose des jeunes » qui bouscule les règles figées du réalisme socialiste et dont Axionov est le représentant le plus brillant. Ses deux premiers romans, Confrères (Kollegi, 1960) et Un Billet pour les étoiles (Zvëzdnyj bilet, 1961) lui apportent une renommée immédiate et retentissante qui l'encourage à se consacrer au métier d'écrivain. Malgré cette célébrité, la liberté de ton et de style de ses œuvres le fait interdire de publication à partir de 1969, à l'exception d'un essai sur la Californie (1976), où il a passé un an. Sa participation à l'almanach Metropol', publié en 1979 à l'étranger et qui a coûté leur carrière officielle à tous ses auteurs, marque un tournant décisif : peu après, Axionov décide d’accepter une invitation à enseigner aux États-Unis, où il part en juin 1980 pour une durée de deux ans. Mais, déchu en janvier 1981 de la nationalité soviétique (elle lui sera rendue en 1990), il va y rester jusqu'au début des années 2000, enseignant la littérature russe dans diverses universités. Retraité, il partage ses jours entre Biarritz et Moscou, prend une part active à la vie littéraire russe – il reçoit le prestigieux Booker Prize russe en 2004 pour son roman À la Voltaire (Vol'ter'jantsy i vol'ter'janki, 2004), évocation picaresque du philosophe français – et fait preuve d'une inépuisable énergie créatrice jusqu'à sa mort à Moscou en 2009.

Liberté, ouverture, expérimentation, sensualité : c'est ce qui caractérise l'écrivain Axionov, qui n'est pas tant un dissident politique qu'un dissident esthétique en quête de nouvelles formes d'écriture qui lui permettent de mêler les genres. D'emblée, il s'échappe du carcan réaliste et psychologisant : dans ses écrits, une brèche est toujours ouverte sur le fantastique. La frontière entre le réel et le fictionnel est instable, ce qu'illustre bien le court roman Recherches d'un genre (Poiski žanra, 1972) dont le héros est un magicien, image de ce qu'est l'écrivain pour Axionov – un inventeur de mondes capable de défier la raison et les conformismes. Le grotesque et l'ironie, sur lesquels repose une vision du monde profondément satirique, l'inventivité du langage parfois cru et les scènes explicitement érotiques sont en rupture avec la pudibonderie stylistique et thématique qui caractérise la littérature soviétique.

S'inspirant toujours de sa propre expérience, Axionov met en scène des héros reflétant les préoccupations et les doutes de sa génération : les stiliagui, zazous soviétiques du dégel, passionnés de culture américaine et aux destins brisés, puis les émigrés contraints de s’adapter à une nouvelle vie. Il dénonce la corruption, l'hypocrisie du régime soviétique, et aussi la folie de Staline. Son roman La Brûlure (Ožog, 1968-1975) est un cri de colère contre une société qui musèle ses créateurs : ses cinq héros – cinq hypostases de l'auteur – évoluent au fil d'une narration bouleversée, éclatée, où le parallèle entre la vie de l'élite moscovite et celle des exilés de Magadan donne la mesure de la décadence[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences en littérature et culture russes, Sorbonne université

Classification

Pour citer cet article

Hélène MÉLAT. AXIONOV ou AXENOV VASSILI PAVLOVITCH (1932-2009) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • QUATRIÈME GÉNÉRATION, littérature soviétique

    • Écrit par Jean CATHALA
    • 479 mots
    • 1 média

    L'expression de Quatrième Génération, due au critique soviétique Alexandre Makarov, désigne les écrivains qui font leur entrée dans la littérature à la fin des années cinquante. Presque tous étaient à peine adolescents à la fin de la guerre. Élevés dans le culte de Staline, ils commencent à écrire...

  • RUSSIE (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par Michel AUCOUTURIER, Marie-Christine AUTANT-MATHIEU, Hélène HENRY, Hélène MÉLAT, Georges NIVAT
    • 23 999 mots
    • 7 médias
    ...expérimentateurs » soviétiques : l' almanach non officiel Metropol', d'abord ronéoté à Moscou, est placé sous le patronage de John Updike. Vassili Axionov, son inspirateur principal, a émigré aux États-Unis, et ses récits fantastiques, tels que' Ostrov Krym (L'Île Crimée), apportent...

Voir aussi