Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

JOBIM ANTONIO CARLOS (1927-1994)

Figure emblématique de la musique populaire brésilienne, « inventeur » de la bossa nova à la fin des années 1950, auteur de plus de quatre cents chansons, dont une bonne dizaine de très grands succès internationaux, Antonio Carlos Jobim a su donner un rayonnement mondial à des formes musicales authentiquement brésiliennes. Il incarnait en outre, par son style de vie, une forme d'épicurisme en quoi beaucoup de Brésiliens se reconnaissaient. Intarissable causeur, grand amateur de cigares, de bière glacée et de whisky-soda, homme de rencontres et d'échanges, ce nonchalant infatigable — « Je travaille plus que je ne mérite », se plaisait-il à dire — laisse une œuvre aux dimensions imposantes.

Né à Rio de Janeiro le 25 janvier 1927, dans une famille bourgeoise dont le nom conserve la trace de lointaines origines normandes, « Tom » Jobim a vécu son enfance et son adolescence dans le quartier d'Ipanema, qui n'était alors qu'une longue plage encore très peu urbanisée au sud de Rio. De ce contact avec une nature édénique, il gardera durablement une nostalgie dont se font l'écho la plupart des albums enregistrés à partir des années 1970 (Stone Flower, Matita Perê, Terra Brasilis), et tout particulièrement le dernier d'entre eux, Antonio Brasileiro, achevé quelques semaines avant sa mort soudaine, le 8 décembre 1994.

Pourtant, la musique de Tom Jobim ne cultive en rien le passéisme. Lui-même était de ces Brésiliens plus spontanément tournés vers les États-Unis que vers l'Europe et avait une claire conscience de sa modernité. Quant à la bossa nova, elle s'inscrit dans un contexte citadin : celui des beaux quartiers de la zona sul de Rio, au temps où une bohème artiste et cultivée hantait les bars et les boîtes de nuit de Copacabana et d'Ipanema. Pianiste de bar lui-même, dès le début des années 1950, puis arrangeur et directeur artistique dans l'industrie du disque, Tom Jobim voit ses premières compositions enregistrées par des vedettes de l'époque. Dans ce contexte, la bossa nova va naître de deux rencontres capitales : celle du poète Vinicius de Moraes et celle du guitariste João Gilberto.

Pour le premier, Tom Jobim écrit en 1957 la musique de scène d'Orfeu da Conceição, pièce à succès dont l'adaptation au cinéma, Orfeu negro, remporte la palme d'or à Cannes en 1959. Suit une série de chansons sur des textes de Vinicius de Moraes qui deviendront des classiques de la bossa nova : on retrouve dans Chega de saudade, dans Insensatez et dans Garota de Ipanema cette poésie à la fois quotidienne et savante qui est la marque distinctive du mouvement.

Sur le plan musical, cette « tendance nouvelle » consiste à retenir de la samba traditionnelle une ligne mélodique et un rythme épurés, réduits à l'essentiel : au balanço de la guitare de João Gilberto correspond la démarche pleine de grâce des filles d'Ipanema, qu'évoquent, sur un arrière-fond d'indicible tristesse, les vers de Vinicius de Moraes. Les percussions et les chanteurs à voix cèdent la place, dans la bossa nova, à un style intimiste, savamment décalé par rapport aux canons habituels (c'est le thème de Desafinado), dont le travail vocal et instrumental de João Gilberto reste le plus bel exemple.

Le succès de la bossa nova déborde très vite les limites nationales et débouche, aux États-Unis, sur une rencontre avec le jazz. De cette fusion naît un disque culte : le miraculeux album gravé par Verve en mars 1963 et publié sous le titre Getz/Gilberto. Six des huit plages de cet enregistrement sont des compositions de Tom Jobim (dont The Girl from Ipanema et Desafinado). On y entend Stan Getz au saxophone ténor, João Gilberto à la guitare et Milton Banana à la batterie. João et Astrud Gilberto chantent, l'une en anglais et l'autre en portugais. Tom Jobim y tient, avec discrétion[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Louis LECOMTE. JOBIM ANTONIO CARLOS (1927-1994) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BOSSA-NOVA

    • Écrit par Universalis
    • 281 mots
    • 1 média

    Musique populaire née au Brésil à la fin des années 1950, la bossa-nova (« tendance nouvelle ») mêle les rythmes de la samba et du jazz cool sur un rythme syncopé à 2/4. Le vocable semble être apparu en 1959, dans l'album Chega de Saudade du chanteur et guitariste João Gilberto...

  • BYRD CHARLIE (1925-1999)

    • Écrit par Pierre BRETON
    • 646 mots

    Le guitariste et compositeur américain Charles L. Byrd naît le 16 septembre 1925 à Chuckatuck, près de Suffolk (Virginie), dans une famille très musicienne. Dès l'âge de dix ans, il aborde l'étude de la guitare avec son père. C'est paradoxalement en Europe, où il sert à la fin de la Seconde Guerre...

  • GILBERTO JOÃO (1931-2019)

    • Écrit par Louis LECOMTE
    • 1 041 mots
    • 1 média

    L’œuvre du guitariste et chanteur brésilien João Gilberto est indissociable de la naissance de la bossa-nova puis de sa diffusion planétaire dans les années 1960, mais c’est l’ensemble de la scène musicale de son pays que cet interprète de génie a marqué de son empreinte. Au long d’une carrière...

  • MORAES ou MORAIS VINÍCIUS MARCUS DE MELO (1913-1980)

    • Écrit par Patrice DELBOURG
    • 564 mots

    Vinícius de Moraes (ou Morais) s'est éteint le 9 juillet 1980, à Rio de Janeiro. Diplomate pendant vingt-six ans, il était aussi « le petit poète », comme on l'appelait au Brésil. La gloire, Vinícius l'a connue en tant que librettiste du film Garota de Ipanema (« La Fille...

Voir aussi