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ANÉANTIR (M. Houellebecq) Fiche de lecture

Le titre du roman de Michel Houellebecq, sorti en janvier 2022, se résume à un infinitif énigmatique et menaçant : Anéantir ; et il ne peut qu’évoquer par contraste celui de l’une de ses premières œuvres, le manifeste poétique Rester vivant, publié trente ans plus tôt (1991). Le passage d’un pôle à l’autre suggère surtout que, trente ans plus tard, l’écriture reste pour Houellebecq une question de vie et de mort, et que la création est indissociable d’une réflexion sur la destruction.

Attente exacerbée, frénésie médiatique à peine contrariée par l’absence quasi totale de l’auteur, propulsion immédiate en tête des ventes, ligne de démarcation nette entre les « pro » et les « anti » : Anéantir répond apparemment au rituel désormais balisé des parutions houellebecquiennes. Celle-ci a cependant réservé quelques surprises. Le roman est sorti sous un format inhabituel, relié et doté d’une couverture blanche cartonnée, soulignant l’intérêt que porte le romancier au livre comme objet et à l’importance de celui-ci dans la relation tissée avec le lecteur. Anéantir a aussi partiellement brouillé les cartes de la réception de l’œuvre de Houellebecq, en déplaçant partiellement les lignes – à la fois politiques et esthétiques – des soutiens et des adversaires habituels.

Une réalité en morceaux

Il faut dire que le livre est profondément déroutant. Il s’ouvre comme un roman de cyberespionnage : nous sommes en 2026, et Paul Raison, le principal conseiller du ministre de l’Économie Bruno Juge, se trouve confronté, avec la Direction du renseignement intérieur, à de mystérieux messages qui, lancés sur Internet, annoncent de prochains attentats terroristes. Mais à cette première intrigue se superpose rapidement le récit des autres préoccupations de Paul : son mariage en déliquescence avec Prudence, sa femme devenue végane et adepte de la secte Wicca ; ses relations avec sa sœur Cécile et son frère Aurélien, qu’il retrouve tous deux à la suite de l’accident vasculaire cérébral qui frappe leur père, les obligeant à placer celui-ci dans un EHPAD ; son amitié avec le ministre pour lequel il travaille, potentiel candidat à l’élection présidentielle qui doit avoir lieu l’année suivante ; et enfin son combat contre la maladie, lorsque Paul découvre qu’il souffre d’un cancer de la mâchoire. Roman policieret politique, mais aussiroman médical et social pointant le scandale du traitement de la fin de vie, roman imprégné d’une culture geek qui joue avec l’univers du conte, puis tourne à la réflexion métaphysique avant de trouver son apothéose dans l’exaltation de l’amour, Anéantir est peut-être surtout un grand roman du désarroi, qui multiplie les pistes génériques pour mieux les déjouer et laisser son lecteur, comme ses personnages, aller à la dérive.

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Agathe NOVAK-LECHEVALIER. ANÉANTIR (M. Houellebecq) - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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