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FOUGERON ANDRÉ (1913-1998)

Le peintre André Fougeron trouve sa place dans l'histoire de l'art de l'immédiat après-guerre, précisément dans la chronique des années 1947-1953, lorsque le Parti communiste tente d'imposer un art social, au service de la classe ouvrière et de ses luttes, un art de propagande directement lié aux événements de la politique intérieure française : le « réalisme socialiste ». Il en sera la figure officielle pendant cette brève période avant que son œuvre ne soit peu à peu oubliée.

Issu d'une famille ouvrière originaire de la Creuse, André Fougeron est né à Paris. Il travaille, après l'obtention de son certificat d'études, comme apprenti dessinateur puis gagne sa vie comme métallurgiste. Ses premiers travaux sont déjà l'occasion d'œuvres engagées, au moment de la guerre civile espagnole (Mort et faim, Espagne, 1937) puis lors de la résistance au nazisme (À mort la bête, 1944). C'est dans le droit fil des débats portant, au cours des années 1930, sur les moyens de rendre l'art au peuple que s'inscrit son texte « Le Peintre à son créneau », que l'on peut aujourd'hui considérer comme un véritable manifeste de l'art engagé. Il est d'ailleurs précédé par la présentation au Salon d'automne de 1948 d'une toile devenue emblématique, puisqu'elle marque le début de la légende du réalisme socialiste à la française : Les Parisiennes au marché. Cette version délibérément réaliste d'un tableau de 1947, Femmes d'Italie, où les recherches tournaient autour d'une formulation fauve et picassienne, participe alors à la fracture de la scène artistique qui coïncide avec la période la plus aiguë de la guerre froide. Dans un style radicalement nouveau, la toile, allégorie et constat de la misère populaire, porte en elle une forte charge accusatrice. On fustigea alors les désaccords de tons sans y voir par exemple le lien avec les toiles de Picasso aux tonalités acides des années 1930. Aujourd'hui, c'est la parenté du dessin avec les premières œuvres de Lucian Freud qui surprend.

Luttes revendicatives, grèves, défilés, manifestations, hauts faits de militants, héroïsme des mineurs, etc. constituent l'essentiel de l'iconographie utilisée qui dérivera, comme en témoigne sa série de tableaux Le Pays des mines, vers une vision misérabiliste. Alors que la pression intellectuelle se fait de plus en plus forte et que se développe une violente querelle entre les peintres réalistes socialistes et certains artistes communistes comme Picasso, Léger et Pignon, opposés au réalisme socialiste, la rupture vient en 1953 avec la condamnation sans appel par le P.C.F. du dernier envoi de Fougeron au Salon d'automne, Civilisation atlantique. Staline mort, le dégel allait commencer. Fougeron, considéré pendant plusieurs années comme « l'un des chercheurs les plus audacieux », était lâché par Aragon et le parti. Dès lors, l'œuvre aux images narratives et didactiques du « grand peintre national », de l'ancien résistant, du prix national des arts 1946, s'effaça de la scène artistique. Dans les années 1980, plusieurs importantes expositions visant à reconsidérer l'art de l'après-guerre lui permirent toutefois d'échapper à un irrémédiable purgatoire.

— Philippe BOUCHET

Bibliographie

A. Fougeron, « Le Peintre à son créneau », in La Nouvelle Critique, no 1, Paris, déc. 1948

Fougeron, peintures, dessins, 1943-1973, catal. expos., Salle des Cordeliers, Châteauroux, 15 juin-15 sept. 1973

Rétrospective André Fougeron, catal. expos., musée de la Résistance nationale, Champigny, 1992.

D. Berthet, Le P.C.F., la culture et l'art, La Table ronde, Paris, 1990

J. Verdès-Leroux, Au service du Parti, le parti communiste, les intellectuels et la culture (1944-1956), Fayard-Minuit, Paris,[...]

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Philippe BOUCHET. FOUGERON ANDRÉ (1913-1998) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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