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CHÉNIER ANDRÉ (1762-1794)

Un bref passage sur la terre des hommes et une fin tragique ; la carrière de poète qu'il n'a pas eue ; sa présence, sa poésie perpétuées parmi nous : telles sont, aux yeux de l'histoire, les trois vies d'André Chénier. La première dure à peine trente-deux ans et se termine sur l'échafaud le 7 thermidor an II (25 juillet 1794). La deuxième nous mène jusqu'à la Restauration. La troisième commence en 1819 avec l'édition Latouche. De son vivant, Chénier ne publie rien avant 1790. S'il meurt inconnu, c'est par sa faute ; Roucher, son compagnon de charrette, avait du moins fait paraître Les Mois. Il laisse une liasse hétéroclite de papiers heureusement préservés de la destruction, et ces ruines font supposer le monument qu'il rêvait de bâtir. Puis, le romantisme le hisse sur les autels : dès lors, sa fortune est faite. La littérature française compte avec orgueil dans ses rangs le génie inattendu qui a ressuscité, trente ans avant Lamartine, la poésie moribonde. Quand on parle d'André Chénier, il faut avoir présente à l'esprit cette double disproportion entre l'intention et le résultat, entre la matière brute d'une œuvre et sa destinée posthume.

Du berceau à la guillotine

Des travaux remarquables ont permis de bien connaître le détail de cette courte vie. Né à Constantinople, André Chénier tenait de sa mère, qui était issue d'une famille latine d'Orient, une âme grecque. À trois ans, ses parents l'amènent en France. Études solides au collège de Navarre, où, roturier pauvre, il côtoie les héritiers riches et titrés ; il y noue de nobles amitiés (voir les Épîtres). À partir de dix-huit ans, dure recherche d'un emploi et, pour occuper le temps, alternance des travaux et des dissipations. Des amours faciles (Lycoris), une liaison orageuse avec une créole de mince vertu (Camille-D'Azan). Un bref séjour dans l'armée à Strasbourg ; un voyage en Suisse avec les frères Trudaine, peut-être un autre en Italie. À vingt-cinq ans, il se résigne à prendre une place d'humble secrétaire dans la diplomatie et séjourne à Londres jusqu'en 1790. La Révolution lui donne une raison d'exister ; il regagne la France pour agir. Journaliste, son ardeur le perdra. « Modéré violent » (R. Brasillach), il part en guerre contre la tyrannie jacobine et se fait des ennemis mortels. La journée du 10 août le jette dans la clandestinité. Il séjourne notamment dans la banlieue de Versailles, où il entretient une amitié amoureuse avec Fanny Le Coulteux. Le 7 mars 1794, il tombe dans une souricière. Les Iambes étaient déjà entamés. Pourtant, c'est un « prosateur stérile » que ses tueurs envoient à l'échafaud quatre mois plus tard.

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Écrit par

  • : professeur de littérature française à l'université de Rennes-II-Haute-Bretagne

Classification

Pour citer cet article

Édouard GUITTON. CHÉNIER ANDRÉ (1762-1794) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BERTIN ANTOINE DE (1752-1790)

    • Écrit par Édouard GUITTON
    • 524 mots

    Comme Chabanon, Léonard et Parny, comme plus tard Leconte de Lisle, le chevalier de Bertin est né sous les tropiques (à l'île Bourbon). Son œuvre est mince, mais elle mérite de survivre à l'oubli. Transplanté en France dès l'âge de neuf ans, il y mène bientôt la vie facile et dissipée des jeunes...

  • ROMANTISME

    • Écrit par Henri PEYRE, Henri ZERNER
    • 22 170 mots
    • 24 médias
    ...de vers, il ne s'est pas levé en France de grand poète comme ce fut le cas dès 1770-1815 en Angleterre et en Allemagne. La seule exception est celle de Chénier, dont l'art ciselé et pur est hardi, et dont la grâce sensuelle a un charme unique, digne de la Renaissance et des Alexandrins, sinon des...
  • CHÉNIER MARIE-JOSEPH (1764-1811)

    • Écrit par Jean MASSIN
    • 446 mots

    Né à Constantinople deux ans après son frère André, officier de dragons à dix-sept ans, Marie-Joseph de Chénier démissionne assez vite de l'armée pour se consacrer aux Muses. Après quelques pièces sans aucun succès, il remporte un triomphe à la fin de 1789 en faisant jouer un ...

  • MILLEVOYE CHARLES HUBERT (1782-1816)

    • Écrit par Édouard GUITTON
    • 325 mots

    À cheval sur deux siècles, Millevoye est le type du poète de transition : il fait le joint entre le classicisme déclinant et l'aube du romantisme. Sa courte carrière commence en 1800 : à peine quinze ans plus tard, elle est terminée. De santé chétive, avec une mauvaise vue, poitrinaire,...