BENEDETTO ANDRÉ (1934-2009)

Acteur, auteur dramatique, metteur en scène, directeur de théâtre, André Benedetto est également considéré comme le fondateur du festival « off » d'Avignon.

Né à Marseille le 14 juillet 1934, il se lance dans l'aventure du théâtre à la fin des années 1950. Instituteur, il fait la rencontre de Gabriel Monnet lors de « stages d'été » avant de « monter » à Paris, puis de choisir Avignon, déjà célèbre pour son festival, comme point de chute. Il fonde la Nouvelle Compagnie d'Avignon et s'installe en 1963 au Théâtre des Carmes. En quelques années, il va transformer cette vétuste salle de paroisse en un lieu couru par toute une génération en quête d'un théâtre engagé, de nouvelles formes, également capable de favoriser l’émergence d’un nouveau public. Après avoir adapté La Chute de la Maison Usher d'E. A. Poe, joué et mis en scène Claudel (L'Échange), Beckett (En attendant Godot) et Labiche (La Main leste), créé sa première pièce, Le Pilote d'Hiroshima, André Benedetto provoque en 1966 un coup de tonnerre dans le ciel d'Avignon. Plutôt que de fermer son théâtre comme il le faisait ordinairement le temps que durait le festival, il s'y impose en créant sa dernière pièce en marge de la programmation officielle. Il s'agit de Statues, une dissertation pour couple avec enfant qui brasse les thèmes les plus variés : la bombe atomique, la génération du baby-boom, le théâtre populaire et total, l'incommunicabilité... Le « off » est né. L'année suivante, il récidive avec Napalm, qui dénonce les bombardements américains sur le Vietnam. Quatre ou cinq troupes l'imitent. Quarante ans plus tard, on en comptera plus de huit cents.

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Auteur, à l'époque, d'un texte-manifeste proclamant « Les classiques au poteau et la culture à l'égout », André Benedetto témoignera trente ans plus tard dans le numéro d'Auteurs en scène (éd. Théâtre des Treize Vents-Presses du Languedoc, 1999) qui lui est consacré : « Toutes ces années soixante, ça ne va pas arrêter de naître à l'énergie, à la poésie, à la conscience, à la périphérie, à l'histoire des hommes, aux conflits dans la société, dans le monde entier et dans soi, à l'opposition, à la lutte et tout simplement à la résistance. » Par la suite, il sera plusieurs fois invité dans le cadre du « in » par le festival : en 1973, avec la Madone des ordures et Pourquoi et comment on a fait un assassin de Gaston D. (sur l'affaire Dominici) ; en 1978, avec Les Très Riches Heures de madame Lucia Popolo et Saint Féniant et Madame Parese ; en 1979, avec Pique-Nique au moulin d'Ardus ; en 1991, avec Squatt connection.

Cependant l'univers de prédilection d'André Benedetto univers reste le « off », espace de liberté et de création, rebelle à toute institution. Lié au Parti communiste, républicain jacobin, mais partisan irréductible des identités régionales, franc-tireur de la scène, il s'y fait l'illustrateur et le défenseur d'un théâtre artisanal et contestataire, militant et civique, en prise directe avec le monde et l'actualité. Des Indiens d'Amérique avec Géronimo (1974), qu'il reprend quatre saisons de suite, aux révoltes viticoles en France avec Fusillade à Montredon (1980), de l'Algérie avec Djebel Amour (1983), à la Révolution avec Thermidor terminus (1988) ou à l'altermondialisation avec Gênes 2001, écrit au lendemain de la mort d'un manifestant lors de l'assemblée du G 8, André Benedetto ne cesse de s'interroger sur la démocratie et son sens, la société et ses errements, la morale et l'acte citoyen, à grands renforts de « coups de gueule » rythmant une dialectique savante où la pensée se donne à entendre et à voir. Parmi la soixantaine de textes qu'il laisse derrière lui, on peut encore citer Fleur de béton (1996) sur les banlieues qui « ne font pas la guerre, mais la subissent, repoussées toujours plus loin et de plus en plus appauvries », Rigoberta met les voiles, témoignage d'une femme contre le port du voile (et qu'il interprète lui-même en 1995), Le monde est là, Mandela (1987), Rosa Lux (1970). Mentionnons également San Jorgi Roc, pièce hommage à son frère écrite en occitan (1999).

Virulent, ironique, verbe haut et politiquement incorrect, acteur bonimenteur à la générosité immense, griot de la Méditerranée métissé de commedia dell'arte, André Benedetto fait figure, comme l'a défini Bernard Dort, de « Dario Fo français », de « révolté persévérant » qui « incarne la force tranquille de la contestation ». Mais il se révèle aussi un auteur à la langue vive, colorée, joyeuse, raffinée et populaire, poète d'une contre-culture toute en images chatoyantes et denses.

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Depuis 2007, il présidait l'association Avignon Festival et Compagnies, chargée de coordonner l'organisation du « off ». Dans son éditorial publié dans le programme 2009, il déclarait avec ce lyrisme qui était sa marque : « Les formidables mouvements financiers secouent la planète pour essorer les peuples. On peut se demander si l'apparent désordre du „off“ n'est pas en fait l'aspect que prend la recherche d'un ordre un peu moins strict, plus harmonieux... pas seulement pour le théâtre mais pour le monde entier. »

— Didier MÉREUZE

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Écrit par

  • : journaliste, responsable de la rubrique théâtrale à La Croix

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Autres références

  • CAUBÈRE PHILIPPE (1950- )

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    On l’a vu à travers ses hommages à Aragon et André Suarès, en particulier avec Marsiho (2012).On l’a vu avec Urgent crier (2011), à partir de textes d’André Benedetto. En 2013, au festival d’Avignon, Caubère a repris sur scène ce spectacle, ainsi que le Memento occitan : grand perturbateur...

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