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RABBE ALPHONSE (1786-1829)

Précurseur des « petits romantiques » français. Un physique séduisant et une brillante intelligence laissaient entrevoir pour Alphonse Rabbe un avenir des plus prometteurs, mais une syphilis, contractée lors de la guerre d'Espagne à laquelle il participa comme administrateur militaire, le défigura hideusement et altéra peu à peu sa santé physique et mentale.

Après avoir embrassé la cause des Bourbons, et accepté, notamment, une mission en Espagne auprès du duc d'Angoulême, mission qui lui avait valu d'être arrêté par la police impériale, il voit ses services mal récompensés et repousse les offres du duc de Richelieu, lui proposant un emploi subalterne au ministère des Affaires étrangères. La Terreur blanche achève de le rejeter vers la gauche ; avocat à Aix, il quitte rapidement le barreau pour fonder à Marseille une feuille indépendante, Le Phocéen, entreprise qui lui cause mille tracasseries, surtout quand il se met à dénoncer des scandales administratifs et financiers. Il sort victorieux de deux arrestations et de plusieurs procès, monte à Paris où il va se consacrer à l'histoire et à la politique.

Il reprend des sujets qui lui sont familiers, puisqu'il a déjà collaboré à des ouvrages parus antérieurement, et publie le Résumé de l'histoire d'Espagne (1823), le Résumé de l'histoire de Russie (1825), l'Histoire d'Alexandre Ier (1826). Il donne des articles dans plusieurs journaux, dont L'Album et Le Courrier français, où il tient la rubrique intitulée « Beaux-Arts ». Il dirige enfin la Biographie universelle et portative des contemporains où l'on remarque ses articles sur Canning, Benjamin Constant, Catherine II et le peintre David. Il s'adonne à son œuvre avec d'autant plus de passion que son mal le condamne à l'isolement, ce dont souffre sa nature portée à l'expansion et aux plaisirs de la vie mondaine.

La violence célèbre de ses polémiques et de ses dénonciations, qui attirèrent sur lui à maintes reprises les foudres du pouvoir, est servie par un style passionné, incisif et d'une très grande pureté auquel rendirent hommage ses contemporains. Il s'était acquis en particulier l'estime et l'amitié de Victor Hugo (sur l'évolution politique duquel il ne fut sans doute pas sans quelque influence). Celui-ci devait lui consacrer la pièce XVII des Chants du Crépuscule  : « À Alphonse Rabbe », pièce qui fut publiée d'abord en tête du chef-d'œuvre posthume de Rabbe : L'Album d'un pessimiste. Cet ouvrage réunit des pièces qui appartiennent aux deux périodes de l'auteur. La première partie, intitulée Philosophie du désespoir, mêle à des citations essentiellement empruntées à la littérature stoïcienne, des justifications morales du suicide. C'est dans la seconde partie, L'Enfer d'un maudit, que le ton se fait le plus personnel — témoignage pathétique de l'évolution des souffrances physiques et du désespoir moral de l'écrivain, où les cris de douleur se mêlent à la résignation courageuse et à la prière ; évolution dont le terme fatal sera le suicide auquel Rabbe, acculé, s'efforcera de donner une valeur de régénération spirituelle. La troisième partie, Tristes Loisirs, comprend des pièces écrites le plus souvent antérieurement, et dont les plus remarquables sont de petits poèmes en prose, d'une rare perfection formelle, tels « La Pipe » et « Le Poignard », modèles du genre, où les qualités classiques sont mises au service de la modernité.

Quelque trente ans plus tard, ce sera Baudelaire qui glorifiera Rabbe dans une note de Fusées : « La note éternelle, le style éternel et cosmopolite. Chateaubriand, Alph. Rabbe, Edgar Poe. » Quand on sait qui était Poe pour Baudelaire, on peut mesurer en quelle estime il tenait Rabbe.

— France CANH-GRUYER[...]

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France CANH-GRUYER. RABBE ALPHONSE (1786-1829) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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