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DUPRONT ALPHONSE (1905-1990)

Président fondateur de l'université de Paris-lV-Sorbonne, Alphonse Dupront est dans le domaine des sciences humaines ce que l'on appelle parfois, en politique, un « homme d'influence », un savant dont le sens aigu de la perfection et la passion de l'écriture sont responsables d'une publication différée.

En effet, l'œuvre publiée – quatre-vingt-dix titres, sans les traductions – représente moins d'un vingtième de l'inédit.

Gascon, attaché à sa terre, Alphonse Dupront était passé du collège de Condom à la khâgne de Toulouse, puis d'Henri-IV avant la rue d'Ulm (1925-1929), 1'agrégation (no 1), le palais Farnèse (1930-1932). 1930, qui marque dans sa vie l'entrée à Rome, est aussi la date de publication de son premier livre, Pierre Daniel Huet et l'exégèse comparatiste (E. Leroux, Paris). Pendant dix ans (1932-1941), comme directeur de l'Institut français, chef de la mission universitaire et attaché culturel à Bucarest, Alphonse Dupront est la France en Roumanie, qu'il quitte en 1941 pour 1'université de Montpellier (1945- 1956) puis pour la Sorbonne (1956-1977), dont une thèse qui fait date, Le Mythe de croisade (1956), et un ouvrage sur Le Cardinal Silvio Antoniano, figure de la Contre-Réforme italienne au XVe siècle lui ouvrent la porte.

À Bucarest, à Montpellier puis à Paris, Alphonse Dupront marque des générations d'étudiants, forme des chercheurs et des savants. Il est l'éditeur et, pour le moins, le co-auteur de deux volumes de Paul Alphandéry et Alphonse Dupront, La Chrétienté et l'idée de croisade, t. I (1954), et surtout t. II (1959) dans la collection Berr. Il publie de longs articles (Langage et histoire pour le congrès de Moscou, en 1970, approche les 100 pages) ; des cours : Le Concile de Trente (C.D.U., 1963) ; Lettres, sciences, religions, arts dans la société française de la deuxième moitié du XVIIe (C.D.U.,1963-1964) ; Arts et sociétés dans l'Europe du XVIIIe (C.D.U., 1964-1965) ; des pans entiers d'ouvrages collectifs : De l'Église aux Temps modernes, Vie et création religieuse, Du sentiment national, Pèlerinages et lieux sacrés (dans l'Encyclopædia Universalis). L.A. Muratori et La Société européenne des pré-Lumières (Olschki, 1976) marquent fortement son passage à Florence, la dernière grande tâche d'administration des choses de l'esprit à laquelle – créateur individualiste, chef d'orchestre et chef d'école tout à la fois – Alphonse Dupront s'est consacré.

Mais il aura fallu attendre la fin de sa vie pour que, grâce à Pierre Nora, Alphonse Dupront consente enfin dans Du sacré (Gallimard, 1987) à s'adresser, au-delà du cercle étroit des pairs et plus large des disciples, à une frange de grand public cultivé. C'est alors que Pierre Chaunu réussit à le convaincre de publier enfin Le Mythe de croisade, cette plus que thèse qui marque un tournant dans la conception même de l'histoire. À quatre-vingt-deux ans, Alphonse Dupront entreprend de réécrire et d'enrichir cette œuvre majeure. Nous savons depuis Mircea Eliade que le sacré, au moins autant que la chasse, a présidé à la genèse de l'homme. Alphonse Dupront l'a suivi, du Néolithique aux étonnantes niches et caches des chemins creux, des grottes aux fonds de cour de nos grandes villes. Il a palpé les textes en linguiste, interrogé les derniers témoins en ethnologue, compris en théologien et en philosophe.

— Pierre CHAUNU

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Institut

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Pour citer cet article

Pierre CHAUNU. DUPRONT ALPHONSE (1905-1990) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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