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ROBIDA ALBERT (1848-1926)

Dans ses lignes générales, l'activité d'Albert Robida ressemble fort à celle de Gustave Doré. Comme ce dernier, il a illustré les grands textes de la littérature française et étrangère, comme lui il a éprouvé la fascination du Moyen Âge. Robida exprime avec une certaine véhémence un romantisme finissant. Il s'affirme dès le début de son activité graphique comme le reporter du passé ou, paradoxalement, de l'avenir. Il fait le compte rendu écrit et dessiné de ses voyages en Italie (1878), en Suisse (1879), en Espagne (1880). Il excelle dans la reconstitution des atmosphères, des architectures. Mais il se saisit aussi de ce passé pour le prolonger dans un avenir apocalyptique. Avec l'écrivain Giffard, il invente en 1908 les péripéties d'une guerre future dans lesquelles il entasse toutes les anticipations destructrices possibles. Cette vision du futur succédant à la reconstitution minutieuse du passé est moins contradictoire qu'il y paraît. Le dessin représentant des ballons dirigeables s'accrochant à la tour Saint-Jacques surmontée d'une immense horloge symbolise à merveille cet art pour lequel le présent n'est que le pont jeté entre le passé et le futur. Tout, dans les dessins de Robida, paraît saisi sur le vif alors que le temps choisi est le passé et l'avenir. Il y a dans ses dessins un souci maniaque de détails qui atteste une volonté de recréer ce qui a été détruit, une hantise de fixer à jamais ce qui est irrémédiablement mort. Sa reconstitution du Paris de siècle en siècle (1883) nous fait revivre dans la nostalgie les divers états de la capitale. Robida se livre à un double exorcisme : il nie, par la reconstitution, la réalité des démolitions opérées dans le passé ; il anticipe les catastrophes possibles comme si les excès de son imagination avaient le pouvoir de conjurer l'inévitable. Les puissances dévastatrices qu'il prévoit sont, en fait, le symbole des forces éternelles de destruction.

Robida est également caricaturiste (il a été rédacteur en chef de La Caricature entre 1880 et 1890), mais d'une manière bien différente de celles de ses contemporains Forain et Caran d'Ache. Il y a dans sa vision de l'événement présent quelque chose de fuyant, de transitoire, d'inorganique, mais l'angoisse de l'extermination porte le masque de la légèreté.

— Marc THIVOLET

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Pour citer cet article

Marc THIVOLET. ROBIDA ALBERT (1848-1926) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CARICATURE

    • Écrit par Marc THIVOLET
    • 8 333 mots
    • 8 médias
    ...de ces saynètes dont les personnages aux silhouettes très découpées avaient été, pour la plupart, créées au théâtre d'ombres du cabaret Le Chat noir. Robida occupe une place à part dans l'histoire de la caricature. Il chevauche allègrement le temps : il passe de la reconstitution du Moyen Âge aux anticipations...