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WALĪD II AL- (708/09-744) calife omeyyade (743)

Prince et poète arabe d'origine syrienne. Bien que fils du calife umayyade Yazīd, Al-Walīd II ne lui succéda pas directement car son oncle Hishām devint souverain des musulmans. Al-Walīd n'accéda au trône qu'en 743 et pour peu de temps, car il fut assassiné en 744.

C'est un des personnages les plus controversés et les plus attachants de la littérature arabe. Les uns n'ont voulu voir en lui qu'un prince débauché, livré à ses passions, indigne du pouvoir ; les autres soulignent qu'il fut un des premiers et grands novateurs de la poésie arabe. Au demeurant, il n'y a là rien d'inconciliable. Mais il faut corriger ce qu'il peut y avoir de partial et d'exagéré dans l'une et l'autre attitude. Écarté du pouvoir en 724 par son oncle, Al-Walīd se plonge en effet dans des plaisirs effrénés. Il cède aux injonctions de son tempérament et vit en compagnie libertine. Vers 734, il quitte la cour califale et partage son temps entre le désert, où il se livre à sa passion de la chasse, et des résidences seigneuriales où se déroulent quelques orgies retentissantes. Il s'entoure de poètes, de chanteurs, de bouffons. Les belles femmes, artistes ou hétaïres, se joignent aux agapes. Devenu calife, il ne change rien à ses habitudes, au contraire. Sa cour accueille les poètes et les musiciens les plus célèbres de l'époque. Damas est tenu pour un lieu de perdition et le commandeur des croyants pour le responsable de cet état de fait. Un coup de force militaire y met fin.

Quelques années plus tard, la dynastie ‘abbāside prend le pouvoir et noircit à dessein le portrait des califes umayyades pour justifier son coup de force. Les arguments ne lui manquent pas. Mais l'ordre établi a des valeurs dont l'innocence reste à prouver. Si Al-Walīd scandalisa, il inquiéta aussi, pour des raisons qu'il convient au moins de citer. Face au rigorisme réel ou simulé, il a élevé un culte à une forme de liberté et au rejet de toute contrainte. Ce seigneur féodal a sans aucun doute aussi désiré passionnément retrouver l'existence libre de l'habitant du désert. Cela ne pouvait que se heurter aux dogmes de la religion d'État et du pouvoir centralisateur.

Al-Walīd aima la poésie et la musique. Il admira, entre autres, Bashshār ibn Burd, grand poète irakien dont les élégies amoureuses magnifient la tradition moderniste, qui fut exécuté, lui aussi, en 784. Parallèlement à la poésie de circonstances, servilement attachée au pouvoir, se développe en effet un langage nouveau qui fera la gloire de cet autre révolté que sera Abū Nuwās.

Il nous reste une centaine de fragments attribués à Al-Walīd. Certains d'entre eux s'expriment dans une langue simple qui soutient avec beaucoup de bonheur un lyrisme intérieur surprenant à une époque où la bédouinité dominait encore la poésie. Tout ici est naturel, sincère, profondément touchant. Une sensibilité nouvelle se perçoit à chaque vers. Elle atteste de ce que le poète ne fut pas le déséquilibré condamné par une histoire écrite par ses vainqueurs. Il fut sûrement, aussi, un homme épris de liberté, passionnément attaché à la vie, qui sut se libérer des pesanteurs du dogme officiel pour vivre ses passions. Ce contre-portrait que l'on esquisse ici n'épuise pas la vérité d'Al-Walīd, à coup sûr. Mais il n'est pas moins vrai celui que l'on s'est évertué à donner de lui. S'il y a quelque excès dans cette interprétation, c'est justement pour essayer de mettre un terme à un excès inverse qui a bénéficié, lui, de toutes les cautions.

— Jamel Eddine BENCHEIKH

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Pour citer cet article

Jamel Eddine BENCHEIKH. WALĪD II AL- (708/09-744) calife omeyyade (743) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ARABE (MONDE) - Littérature

    • Écrit par Jamel Eddine BENCHEIKH, Hachem FODA, André MIQUEL, Charles PELLAT, Hammadi SAMMOUD, Élisabeth VAUTHIER
    • 29 245 mots
    • 2 médias
    ...responsabilité du modernisme libertin, alors que déjà 'Umar b. Abī Rabī‘a célèbre ses victoires galantes d'aristocrate mekkois, alors que surtout le calife al-Walīd donne la parole à tout désir en des vers qui pourraient être attribués à Abū Nuwās ? En vérité, le clivage s'est produit rapidement entre une...

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