Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

REICH WILHELM (1897-1957)

La physiopsychologie reichienne

Dans L'Analyse caractérielle, Reich apporte une contribution psychanalytique essentielle à la notion de caractère. Il ne considère pas le caractère comme la conséquence d'un refoulement, même s'il constitue un mécanisme de défense source des résistances du patient. À ses yeux, « le caractère est en premier lieu un mécanisme de protection narcissique ». Défini comme un appareil défensif à la fois psychique et physique comportant plusieurs strates, la notion de caractère débouche chez Reich sur une conception originale de la psychosomatique. En fonction de son importance et de sa structure (blocage, rigidité, cuirasse, etc.) le caractère permet de se défendre contre les excitations internes ou externes. Constitué en cuirasse, elle-même composée de l'ensemble des attitudes caractérielles développées dès l'enfance afin de lutter contre les excitations émotionnelles, le caractère a une fonction autorépressive. Reich postule également l'existence de ce qu'il nomme la « cuirasse musculaire », expression corporelle de la cuirasse caractérielle qui correspond à un ensemble d'attitudes musculaires défensives développées pour lutter contre l'apparition d'émotions et de sensations végétatives. Tout symptôme repose sur un caractère névrotique. Solidement établi, pouvant constituer une véritable « cuirasse », le caractère rend le refoulement superflu, mais représente la résistance la plus importante dont l'analyse est un préalable. Reich dégage une typologie des caractères : caractères compulsif, hystérique, masochiste, génital. Ses travaux sur cette entité le conduisent à modifier la technique psychanalytique classique de l'analyse des symptômes et à proposer ce qu'il nommera une technique « caractéro-analytique », laquelle privilégie l'analyse du caractère et les résistances caractérielles.

La sexualité constitue le fil conducteur de l'œuvre reichienne. Dans le sillage des premiers travaux de Freud sur les névroses actuelles, pathologies consécutives à un mésusage de la sexualité, Reich prend conscience du rôle néfaste joué par la répression de la satisfaction génitale. Publié en 1942, La Fonction de l'orgasme contient de manière plus ou moins explicite les grandes lignes de sa conception personnelle de la psyché qu'il affirme s'inscrire dans la perspective inaugurée par Freud, alors que ce dernier a jugé plutôt négativement l'œuvre de son élève. L'accent mis d'emblée sur l'économie sexuelle, le souci d'une approche méthodologique inspirée des sciences de la nature au détriment de l'intersubjectivité, le souhait de délaisser la psychologie au profit de la physiologie et de la biologie marquent déjà une rupture avec la psychanalyse freudienne, mais celle-ci ne sera consommée qu'en 1934. Freud reprochera à Reich d'accorder une place trop exclusive à la sexualité génitale au détriment de la sexualité prégénitale dont le rôle est, à ses yeux, capital dans la formation de la psyché.

La génitalité représente pour Reich une organisation psycho-physiologique caractérisée par le primat de la zone génitale, selon lui à l'origine de tous les troubles névrotiques ou psychotiques de la personnalité. Sa répression ou sa frustration conduirait directement à la « peste émotionnelle », véritable épidémie sur le plan social. L'évolution de la pensée reichienne vers la bioélectricité, puis vers une compréhension orgonique de l'univers, n'entamera pas pour autant sa profonde conviction quant à la primauté qu'il accorde à la génitalité. Cette dernière trouve au contraire, affirme-t-il, dans la découverte de cette énergie vitale sa nature et sa cause biologique.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : docteur en histoire, professeur de psychologie clinique et de psychopathologie, psychanalyste

Classification

Pour citer cet article

Jacquy CHEMOUNI. REICH WILHELM (1897-1957) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • FREUDO-MARXISME

    • Écrit par Jacquy CHEMOUNI
    • 1 742 mots
    • 3 médias
    Mais c'est Wilhelm Reich (1897-1957) qui représentera la tentative la plus élaborée d'articuler le marxisme et la psychanalyse. Dans son étude de 1929 Matérialismedialectique et psychanalyse, il croit pouvoir allier les deux pensées en préservant leurs spécificités tant méthodologiques que...
  • JOUISSANCE

    • Écrit par Raoul VANEIGEM
    • 1 412 mots
    ...femme, l'enfant et le corps humain. Freud montre le rôle des désirs insatisfaits dans les traumatismes qui perturbent l'équilibre mental et somatique. Wilhelm Reich va plus loin quand il attribue à la stase, ou rupture intervenant dans le processus orgastique de la jouissance, la formation d'une angoisse...
  • NEILL ALEXANDER SUTHERLAND (1883-1973)

    • Écrit par C. GAUDOIS
    • 777 mots

    Né à Forfar, Écosse, Alexander Neill est mort le 23 septembre 1973 à Londres. Il publia plusieurs ouvrages : A Dominie's Log (Journal d'un instituteur de campagne) ; A Dominie Dismissed (Renvoi d'un instituteur) ; A Dominie's Doubts (Les Incertitudes d'un instituteur) ; ...

  • PSYCHANALYSE (théories et pratiques)

    • Écrit par Jacques SÉDAT
    • 6 689 mots
    • 1 média
    ...d'étayage de l'analyse sur autre chose que ce qu'elle est. Il est introduit dans le mouvement analytique par celui qui sera à l'origine du freudo-marxisme, Wilhelm Reich, qui soutenait, en 1927, que seule la sélection médicale, assortie d'un numerus clausus et de monopole d'exercice légal, est « assez forte...

Voir aussi