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SOCIOLOGIE WEBERIENNE

Fils aîné d'une famille protestante de la grande bourgeoisie berlinoise, liée à plusieurs dynasties universitaires allemandes, Max Weber (1864-1920) fut d'abord un héritier de la science, qui accumula dès sa jeunesse une somme exceptionnelle de connaissances dans différents domaines. Il reçut une formation de juriste (à l'exemple de son père, docteur en droit) et d'économiste ; dès l'âge de trente ans, il fut nommé professeur dans cette discipline, mais il aurait pu, comme l'écrivait son collègue Gerhard von Schulze-Gävernitz, occuper aussi brillamment une chaire d'histoire, de droit ou de philosophie que d'économie. Il acquit également un solide bagage théologique, et entretint des liens étroits avec des cercles de théologiens protestants progressistes. Son érudition vertigineuse, sa frénésie de travail et ses capacités de synthèse hors du commun le firent très tôt reconnaître comme un « virtuose » des sciences humaines, et lui assurèrent un début de carrière fulgurant.

Ses acquis et ses succès précoces ne suffirent cependant pas à éclipser chez lui le travail du doute, qui fut peut-être la caractéristique la plus singulière de ce savant hors pair : quelques années après sa leçon inaugurale, il sombra dans une grave dépression qui l'amena à démissionner de son poste et à demeurer ensuite près de vingt ans sans enseigner. Il ne reprit ses fonctions universitaires qu'en 1919, avant de mourir l'année suivante, à cinquante-six ans. Ce parcours contrarié lui conféra une position très spécifique dans le champ universitaire allemand de son temps : il fut tout à la fois un représentant typique de la « caste mandarinale » et un savant qui vécut partiellement à l'écart de la vie académique ordinaire, et sut mettre à profit cette distance pour nourrir une réflexion critique sur la fonction sociale de ceux qu'il appelait les « porteurs de savoir ».

Sociologie et désacralisation

Le choix de la discipline sociologique, pour Max Weber, fut définitivement tranché lorsqu'il publia simultanément, après plusieurs années de quasi-silence, L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme, son œuvre la plus fameuse (1904-1905), et l'article méthodologique sur « L'„objectivité“ de la connaissance dans les sciences sociales et la politique sociale ». Il livra ce dernier en guise de préambule au premier numéro des Archives de sciences sociales et de politique sociale (1904), revue dont il assura la codirection jusqu'à sa mort avec ses collègues Werner Sombart et Edgar Jaffé, et qui devint le plus important périodique allemand de sociologie. Par la suite, il joua un rôle décisif dans la création de la Société allemande de sociologie (fondée en 1910 et dissoute en 1934), qui est considérée comme la première étape de l'institutionnalisation de cette discipline en Allemagne, avant l'ouverture des premières chaires à partir de 1919.

L'orientation vers la sociologie ne représenta pas à proprement parler une rupture dans la trajectoire intellectuelle de Max Weber. On peut relever une forte continuité entre ses travaux sociologiques et les méthodes à visée empirique des professeurs qui l'avaient formé à « l'économie nationale » (une discipline davantage pensée comme une « science de la culture », attentive à la diversité des phénomènes sociaux impliqués dans les pratiques économiques spécifiques d'une nation, que comme une science exacte à modèle mathématique), la fréquentation ultérieure de l'Association de politique sociale, ensuite, qui, dans les deux dernières décennies du xixe siècle et par la suite encore, fut à l'origine de grandes enquêtes de terrain sur les conditions de vie de certains groupes sociaux (dont plusieurs furent confiées au jeune Max Weber, avant son habilitation,[...]

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Pour citer cet article

Isabelle KALINOWSKI. SOCIOLOGIE WEBERIENNE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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