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SAPPHO (fin VIIe-déb. VIe s. av. J.-C.)

Sappho, G. Moreau - crédits : De Agostini

Sappho, G. Moreau

Poétesse grecque, Sappho, ou plus exactement en éolien Psapphô ou Psapphâ, appartenait à une famille noble de Mytilène, dans l'île de Lesbos. Son père s'appelait Scamandronyme et son frère Charoxus. Bannie vers ~ 600, elle fut exilée en Sicile puis revint au pays natal pour y finir ses jours. Ovide, dans les Héroïdes, la dépeint « petite et noire », tandis qu'Alcée, qui peut-être l'aima, évoque une « pure Sappho, aux tresses de violettes, au sourire de miel ». Elle dirige aussi une sorte de confrérie religieuse où les jeunes filles nobles, destinées à participer aux cérémonies des cultes locaux, apprennent le chant, la danse, le jeu de la lyre et lisent les poètes. Son mariage avec Cercolas ou Cercylas est une invention des poètes comiques athéniens : en fait, il semble qu'elle ne se soit pas mariée. De même paraît légendaire son amour malheureux pour Phaon, pour qui elle se serait jetée à la mer du haut du rocher de Leucade. Au nom de Sappho reste attachée l'idée d'amours homosexuelles. Malgré l'opinion de nombreux critiques qui ont plaidé pour sa « vertu » en faisant valoir la dignité de sa réponse aux propositions d'Alcée, ses inquiétudes pour son frère séduit par une courtisane, ou ses élans d'amour maternel, il est indéniable que les poèmes d'amour de Sappho sont adressés à des femmes. (Et elle s'y nomme parfois, ce qui prouve qu'il ne s'agit pas de poèmes commandés par des amoureux.) La thèse selon laquelle il aurait existé deux femmes : une courtisane vulgaire et une poétesse distinguée, demeure assez invraisemblable.

Sappho marque l'apogée du lyrisme des côtes d'Asie et des îles voisines. Malheureusement, le texte seul ne peut donner la dimension exacte de ce mode d'expression : les strophes étaient chantées avec accompagnement d'un instrument à cordes ; chants et danses tenaient une grande place dans toutes les cérémonies publiques ou privées.

Selon Suidas, les Anciens connaissaient d'elle neuf livres de poèmes lyriques comprenant des élégies, des épigrammes, des iambes, des monodies et un livre entier d'Épithalames (ou chants nuptiaux). Mais les fragments qui nous restent sont souvent très courts. Les poèmes les mieux conservés sont des odes À Aphrodite, À l'Absente, À une aimée ainsi que Les Adieux ; quelques autres (Nocturnes, Confidences, Jeunes Filles), dont les fragments sont assez longs, ont gardé leur charme.

La poésie de Sappho est celle de la passion brûlante. Dans un climat de sensualité exaltée, l'amour est évoqué au milieu des parfums, dans les cheveux et les guirlandes. Ses vers sont teintés des couleurs fraîches des fruits et des fleurs ou de la clarté douce de la lune : les jeunes filles y apparaissent gracieusement, dans les larmes ou les rires. Aucun engagement politique ne se manifeste. Sappho a vécu pour l'amour et pour la poésie, dont elle affirme le prestige et l'immortalité. Sa langue est le dialecte éolien. Sa versification est souple et harmonieuse. Entre autres rythmes, Sappho utilise des strophes brèves dites « saphiques », chantées sur le même air et accompagnées du barbitos (instrument à cordes plus nombreuses que celles de la lyre) ; cette strophe est composée de trois vers « saphiques » de cinq pieds et demi (trois trochées, deux iambes et une syllabe longue) et d'un vers adonique très court (un dactyle et un spondée). Cette technique sera imitée par Catulle en latin puis modifiée par Horace.

La gloire de Sappho fut grande durant toute l'Antiquité. Platon l'appelle la Dixième Muse. Stobée (compilateur grec du vie siècle) raconte que le grave Solon, ayant entendu réciter ses vers, jura de les apprendre par cœur avant de mourir. Mais son œuvre, considérée comme le trésor du paganisme, avant d'être appréciée au xvie siècle[...]

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Pour citer cet article

Dominique RICHARD. SAPPHO (fin VIIe-déb. VIe s. av. J.-C.) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Sappho, G. Moreau - crédits : De Agostini

Sappho, G. Moreau

Autres références

  • HOMOSEXUALITÉ

    • Écrit par Frédéric MARTEL
    • 9 195 mots
    • 1 média
    Si l'homosexualité féminine a paru longtemps moins choquante que celle des hommes, c'est parce qu'on l'a entourée de silence. Depuis la poétesse grecque Sappho, vers 600 ans avant J.-C., il semble que le lesbianisme soit marqué par un grand vide : très méconnu, peu réprimé, tardivement nommé (le terme...
  • LESBOS

    • Écrit par Claude MOSSÉ
    • 314 mots

    La plus grande des îles de l'Égée orientale. Dans l'Antiquité, son territoire était divisé entre cinq cités : Méthymna, Mytilène, Éresos, Antissa et Pyrrha. Elle était particulièrement fertile et possédait de bons ports ; au ~ vie siècle, des habitants de Lesbos commerçaient...

  • VIVIEN PAULINE TARN dite RENÉE (1877-1909)

    • Écrit par Antoine COMPAGNON
    • 349 mots

    De langue française, Renée Vivien est née à Londres dans une famille d'origine anglo-américaine. Son père meurt à Paris et, toute jeune, elle va voyager à travers le monde jusqu'en Grèce et en Inde. Elle parle de nombreuses langues et l'exotisme de sa personne contribue au mystère qui entoure son existence...

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