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BROWNING ROBERT (1812-1889)

Les obstacles à la poésie

L'expression lyrique s'embarrasse immédiatement dans la philosophie et dans la chronique : un vieux livre jaune, acquis pour une lire dans un bric-à-brac florentin, est devenu la source du plus long poème de Browning.

Browning est un poète érudit, nourri de littérature grecque (il adapte l'Alceste d'Euripide et l'Agamemnon d'Eschyle, il écrit une Apologie d'Aristophane), amateur passionné d'art italien (cf. « Fra Filippo Lippi », « Andrea del Sarto » dans Hommes et Femmes, et le recueil Pacchiarotto et comment il travaillait à la détrempe, 1876), curieux de menus faits historiques depuis longtemps oubliés (le procès de Guido Franceschini à Rome, en 1698). Il choisit pour héros ou pour symboles des personnages secondaires ou des artistes mineurs. Il multiplie les allusions qui obscurcissent son texte et appellent des gloses. Après la publication de Sordello, en 1840, Carlyle lui écrivit pour lui dire que sa femme avait lu le poème avec intérêt, mais qu'elle désirait savoir si Sordello était un homme, une ville ou un livre.

La curiosité intellectuelle de Browning est inséparable de sa recherche passionnée du vrai. Si, dans L'Anneau et le Livre, il développe longuement chacun des témoignages, ce n'est pas pour conclure, comme Pirandello, « à chacun sa vérité », mais pour parvenir à cette vérité unique que l'homme atteint difficilement. Il tâtonne en aveugle dans un univers dont il ne désespère pas de trouver la forme.

Pourtant on aurait tort de le confondre avec son héros Paracelse, en qui il condamne les erreurs de l'intelligence. Au-dessus de la science, il place les hommes, et c'est pourquoi il nous conte l'histoire de Pippa Passes, la petite tisseuse d'Asolo, qui, par ses chansons, influe inconsciemment sur l'existence de ceux qu'elle croise en chemin. C'est aussi pourquoi il explore, en de longs monologues, l'âme de personnages médiocres ou vils, le prince Hohenstiel-Schwangau (Napoléon III), Sludge le médium (le spirite Home), l'évêque Blougram (Wiseman) : il veut découvrir, au terme de leur imposture, qu'ils ne peuvent pas s'empêcher de dire des vérités.

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Écrit par

  • : professeur émérite de littérature comparée à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Classification

Pour citer cet article

Pierre BRUNEL. BROWNING ROBERT (1812-1889) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • HOMMES ET FEMMES, Robert Browning - Fiche de lecture

    • Écrit par Yann THOLONIAT
    • 914 mots

    Recueil majeur de la poésie anglaise du xixe siècle, Hommes et femmes marque l'apogée de la carrière de Robert Browning. Ce recueil paraît en 1855, alors qu'il vit depuis neuf ans en Italie, à Florence, avec sa femme la poétesse Elizabeth Barrett. Après les Poèmes dramatiques (1842)...

  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Littérature

    • Écrit par Elisabeth ANGEL-PEREZ, Jacques DARRAS, Jean GATTÉGNO, Vanessa GUIGNERY, Christine JORDIS, Ann LECERCLE, Mario PRAZ
    • 28 170 mots
    • 30 médias
    ...délicieuse charmille. Ce fait se vérifie chez les meilleurs poètes de l'époque : Alfred Tennyson (1809-1892) et A. C.  Swinburne (1837-1909). Quant à Robert Browning (1812-1889), son « Dieu est dans le ciel, tout va bien dans le monde » coïncide trop avec l'opinion courante de l'âge victorien pour qu'on...
  • VICTORIENNE ÉPOQUE

    • Écrit par Louis BONNEROT, Roland MARX
    • 10 883 mots
    • 11 médias
    ...J. A. Symonds (1840-1893) et Wilde (1854-1900). Un souci d'objectivité, correctif du romantisme confessionnel, restreint au minimum les « cris du cœur ». Browning rivalise presque avec Shakespeare comme « amateur d'âmes », mais ses explorations psychologiques se font par procuration, par l'emploi du « monologue...

Voir aussi