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RASTAFARISME

Mouvement religieux et politique né en Jamaïque dans les années 1930 à l'instigation de Leonard Percival Howell et adopté par de nombreux groupes dans le monde entier, le rastafarisme mêle des éléments du protestantisme, du mysticisme et du panafricanisme.

Les rastafariens, ou rastas, nom par lequel se désignent les membres de ce mouvement, ont une conception très particulière de leur passé, de leur présent et de leur avenir. S'inspirant des récits de l'Ancien Testament, en particulier de l'Exode, ils considèrent que les personnes d'origine africaine qui vivent en Amérique et dans le monde entier sont des exilés au sein de la Babylone moderne. Ils pensent que Jah (Dieu) les met à l'épreuve par le biais de l'esclavage, de l'injustice économique et de l'oppression raciale. Prenant appui sur les textes de l'Apocalypse (Nouveau Testament), les rastas attendent la délivrance de leur captivité et le retour vers Sion (Zion en anglais), nom symbolique de l'Afrique dans la tradition biblique. L'Éthiopie, où régnait un pouvoir dynastique, serait le dernier foyer de tous les Africains et le siège de Jah. Le mouvement prônait ainsi le retour dans ce pays. Nombre de rastas ont cru que l'empereur éthiopien Hailé Sélassié Ier, appelé ras Tafari avant son couronnement en 1930, était la seconde incarnation de Dieu, le messie descendu sur Terre pour racheter tous les Noirs.

Les rastas jamaïcains descendent d'esclaves africains convertis au christianisme en Jamaïque par des missionnaires qui utilisaient la Bible anglaise de Jacques Ier. Ils considèrent que cette version de la Bible corrompt parfois la parole divine car les Anglais qui possédaient des esclaves encourageaient ces derniers à lire la Bible afin de mieux les contrôler. Les rastas pensent pouvoir connaître le véritable sens des Écritures en cultivant une relation mystique personnelle avec Jah. Ils ne lisent cependant que certains passages de la Bible. Ils mettent ainsi en avant ceux du Lévitique qui réprimandent le fait de se couper les cheveux et la barbe ou encore de consommer certains aliments et qui prescrivent des rituels fondés sur la prière et la méditation. S'appuyant sur la lecture de l'Ancien Testament, nombre de rastas prônent des valeurs patriarcales, et le mouvement est souvent accusé de sexisme tant par ses adeptes que par ceux qui y sont étrangers. Les rastas utilisent souvent un langage particulier, appelé I-yaric ou dread-talk, par lequel ils inventent un certain nombre de mots reflétant leur mode de pensée. Ils remplacent ainsi certaines syllabes par le son [aj] (de I, « je » ou « moi » en anglais). Le pronom I devient ainsi I-and-I, symbole d'unité dans la diversité qui désigne également Jah, tandis que des mots comme « vital » ou « méditation » deviennent I-tal et itation. De même, le patois rasta remplace les préfixes négatifs traduisant une hiérarchie entre les hommes, tel que under (« dessous » en anglais), par des préfixes inverses, understand (« comprendre » en anglais) devenant ainsi overstand. Le mot oppression subit un traitement similaire car le préfixe « opp- », prononcé [up] en anglais, évoque l'idée d'ascension contraire au sens même de l'oppression. Le mot devient donc downpression, plus évocateur.

Le mode de vie rastafarien (livity), fondé sur un principe d'équilibre, préconise notamment le port de dreadlocks (longues nattes qui se forment naturellement dans des cheveux non coiffés, devenus crépus) et de vêtements de couleur rouge, vert, jaune et noir (qui symbolisent respectivement la force de vie du sang, l'herbe, la royauté et l'africanité) ainsi qu'un régime alimentaire naturel et végétarien, appelé I-tal. Les rituels religieux impliquent de pratiquer la prière, de fumer la ganja (marijuana), qui améliore la méditation[...]

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Écrit par

  • : professeur agrégé de religion à l'université Wesleyan à Middletown, Connecticut

Classification

Pour citer cet article

Elizabeth A. MCALISTER. RASTAFARISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • MARLEY ROBERT NESTA dit BOB (1945-1981)

    • Écrit par Oruno D. LARA
    • 725 mots
    • 2 médias

    Robert Nesta Marley naît en 1945 à Saint Ann (Jamaïque), une paroisse paysanne, au lieu-dit Rhoden Hall. Sa mère est une Noire jamaïcaine et son père un major de l'armée britannique à la retraite. Il fréquente l'école de Saint Ann jusqu'à l'âge de quatorze ans puis il se rend dans la capitale, ...

  • POP MUSIC

    • Écrit par Paul ALESSANDRINI, Gérard JOURD'HUI, Philippe JUGÉ, Christian LEBRUN
    • 7 691 mots
    • 12 médias
    ...possède ce balancement propre aux musiques des îles. Et surtout le travail sur les voix a cappella. Un son qui s'est accompagné aussi d'une mystique, le «  rastafarisme », mot forgé sur le nom de l'empereur d'Éthiopie Hailé Sélassié, le ras Tafari, et d'une panoplie vestimentaire dont les couleurs africaines...
  • REGGAE, musique

    • Écrit par Eugène LLEDO
    • 1 166 mots
    • 2 médias
    ...improvisent des paroles ; cette pratique du dub sera une des sources du rap. Le reggae reprend les ingrédients du ska, mais sur des tempos plus lents. Il est propulsé en 1974 sur le devant de la scène mondiale par Bob Marley, qui en profite pour faire connaître le rastafarisme : dans les années 1930,...
  • TOSH PETER (1944-1987)

    • Écrit par Universalis
    • 280 mots

    L'auteur-compositeur et interprète jamaïcain Peter Tosh (Winston Hubert McIntosh de son vrai nom) naît en octobre 1944 à la Jamaïque. En 1963, Tosh, Bob Marley et Bunny Wailer (Bunny Livingston de son vrai nom) créent le groupe de reggae The Wailers dans le ghetto de Trench Town, à ...

Voir aussi