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BOHR NIELS (1885-1962)

La complémentarité

C'est l'application du principe de correspondance à la théorie de la dispersion du rayonnement, développée par Kramers et Heisenberg, qui mit ce dernier sur la voie d'une formulation mathématique logiquement cohérente de toute la théorie, comprenant à la fois les conditions quantiques et le principe de correspondance (1925). L'élément essentiellement nouveau de ce formalisme est le remplacement des grandeurs de la théorie classique par des opérateurs, dont l'algèbre est non commutative. Les conditions quantiques prennent la forme simple de relations de non-commutation entre les variables canoniques de chaque électron.

Une des conséquences les plus générales de la théorie quantique est que, dans un état quelconque d'un système atomique, les valeurs que peuvent prendre les grandeurs physiques ne sont pas déterminées comme pour un système classique, mais sont distribuées statistiquement. Ces distributions présentent de remarquables relations de réciprocité pour tout couple de grandeurs dont les opérateurs A, B ne commutent pas : entre les fluctuations statistiques moyennes ΔA, ΔB des déterminations de telles grandeurs on a l'inégalité ΔAB>hC, où C représente la valeur moyenne de l'opérateur AB-BA dans l'état considéré du système. En particulier, la détermination exacte d'une des grandeurs entraîne une indétermination complète de l'autre.

Afin d'élucider cette situation, Bohr analysa avec soin les conditions dans lesquelles les déterminations des grandeurs en question peuvent s'effectuer, du moins en principe, par des mesures physiques, et il décela ainsi la source des indéterminations réciproques dans le fonctionnement même de l'appareil de mesure. Ce dernier, qui est nécessairement un système macroscopique, à notre échelle, « enregistre » son interaction avec le système atomique sur lequel porte la mesure par une marque permanente directement observable (trace sur une plaque photographique, position d'une aiguille sur un cadran). La formation de cette marque est un processus irréversible, entraînant une perte d'information sur l'état quantique du système atomique ; l'analyse montre que cette perte est précisément celle qu'expriment les relations d'indétermination. Il s'agit donc ici d'une conséquence très générale de l'existence du quantum d'action, qui confère aux processus atomiques un caractère global (« individuel » dans la terminologie de Bohr) : ces processus (dont les mesures effectuées sur un système atomique sont des exemples particuliers) ne sont bien définis que lorsqu'ils sont « clôturés » par l'enregistrement de marques permanentes sur des appareils appropriés. C'est cette opération qui, par son caractère macroscopique, donne lieu à des limitations réciproques dans l'emploi des concepts classiques pour la description de ces processus ; comme ces concepts sont les seuls dont nous disposions comme moyens de communication objective de notre expérience, ces limitations font partie intégrante de la théorie atomique et en assurent la cohérence logique. C'est pour faire ressortir cette nécessité logique que Bohr introduisit le terme de complémentarité pour désigner la relation d'exclusion mutuelle ou de limitation réciproque qui peut exister entre des phénomènes atomiques – la définition du phénomène devant inclure la spécification complète des conditions d'observation, y compris l'enregistrement qui la clôture. Deux phénomènes complémentaires, bien que mutuellement exclusifs, représentent néanmoins des aspects de l'expérience indispensables pour une description complète de celle-ci ; la théorie quantique nous fournit cette description complète précisément parce qu'elle englobe dans un cadre logiquement cohérent les aspects complémentaires. Il est évident[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'Institut nordique de physique atomique théorique, Copenhague

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Niels Bohr - crédits : Ullstein Bild/ Getty Images

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