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NANOPARTICULES

Préparer, stabiliser et calibrer les nanoparticules

Les premières nanoparticules ont été étudiées scientifiquement par Michael Faraday en 1857 : ce sont les mythiques « sols d'or », l'or potable des alchimistes. Ses observations illustrent parfaitement l'ensemble des étapes – et des avatars – qu'implique l'obtention de matière ultra-finement divisée : sur une solution limpide de chlorure de sodium, on fait agir un agent réducteur ; le milieu réactionnel reste liquide et translucide, mais prend une vive couleur rubis ; si on ajoute du sel, le système tourne au bleu et finit par se troubler ; on peut toutefois prévenir cette évolution par ajout de gélatine, qui conserve l'état « rouge ». La physique contemporaine ne fait guère mieux, mais elle sait interpréter cette séquence d'événements : la réaction chimique a fait nucléer, dans la solution de chlorure, de minuscules particules d'or, bien trop petites pour être décelées au microscope, qui confèrent à celle-ci son éclatante couleur ; le système n'est pas, en principe, stable sous cette forme, car les particules formées tendent à s'agréger puis à précipiter. Dans le cas des sols d'or, les nanoparticules synthétisées portent à leur surface des charges électriques qui leur permettent de se repousser et donc de ne pas s'agglomérer. Une adjonction de chlorure de sodium – c'est-à-dire d'ions Na+ et Cl – constitue un apport massif de charges mobiles, qui « écrantent » les interactions entre les grains ; ceux-ci commencent alors à s'agréger, le passage du rouge au bleu indiquant un accroissement de la taille des particules. Quel peut être dans ce scénario le rôle de la gélatine ? Cette substance naturelle est constituée de très longues chaînes de polymères qui ont tendance à s'ancrer à la surface des nanoparticules, en développant de larges boucles ; elle établit ainsi autour de chaque grain une couronne protectrice qui empêche l'agrégation des grains.

Nanoparticules dans un poumon de souris - crédits : 2004 by the Society of technology, Toxicological Sciences 77, 126-134

Nanoparticules dans un poumon de souris

Nanoparticules : stabilisation - crédits : Encyclopædia Universalis France

Nanoparticules : stabilisation

De Faraday à nos jours, la répulsion électrostatique et la protection macromoléculaire restent les deux grandes voies de stabilisation de la matière dispersée. La seconde est plus fiable que la première, qui est trop sensible aux sels dissous, et permet l'utilisation de solvants non polaires tels que les solvants organiques.

Nanoparticules : production de grains de taille homogène - crédits : Encyclopædia Universalis France

Nanoparticules : production de grains de taille homogène

Quand le chimiste a maîtrisé, par son savoir-faire, les étapes de la préparation et de la stabilisation de ces minuscules grains de matière, il se propose un nouveau défi : obtenir des objets rigoureusement calibrés. En effet, les méthodes de synthèse classiques fournissent souvent une population de grains dont la taille varie largement autour d'une valeur moyenne. Les propriétés des nanoparticules étant fortement fonction de leur diamètre, il est nécessaire, pour la compréhension des mécanismes physiques comme pour les applications, de réaliser une granulométrie très homogène dite « monodisperse ». Une voie prometteuse est la synthèse en milieu confiné, qui permet de former directement des nanoparticules de même taille : on fait nucléer et croître les particules dans des petites cages de taille déterminée. Pour cela, il existe, en phase liquide, des systèmes appropriés qui sont les « microémulsions » : quand on mélange de l'eau, de l'huile et des molécules tensioactives (analogues aux molécules de savon), dans des proportions convenables, il se forme souvent des nanogouttes d'eau, ou d'huile, tapissées de tensioactifs et de diamètre bien défini (dans la gamme nanométrique). On peut introduire un réactif A dans une microémulsion, un réactif B dans une seconde, et mélanger les deux : quand les gouttelettes se rencontrent, elles communiquent et échangent leurs contenus ; un précipité AB se forme au sein des nanogouttes qui limitent sa croissance.

Nanoparticules : croissance d'un dendrimètre - crédits : Encyclopædia Universalis France

Nanoparticules : croissance d'un dendrimètre

Dans[...]

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Écrit par

  • : professeur au Collège de France, directeur de l'École supérieure de physique et de chimie industrielles de Paris, Prix Nobel de physique 1991
  • : agrégée de physique, docteur ès sciences, professeur honoraire à l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie

Classification

Pour citer cet article

Pierre-Gilles DE GENNES et Madeleine VEYSSIÉ. NANOPARTICULES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Nanoparticules dans un poumon de souris - crédits : 2004 by the Society of technology, Toxicological Sciences 77, 126-134

Nanoparticules dans un poumon de souris

Nanoparticules : stabilisation - crédits : Encyclopædia Universalis France

Nanoparticules : stabilisation

Nanoparticules : production de grains de taille homogène - crédits : Encyclopædia Universalis France

Nanoparticules : production de grains de taille homogène

Autres références

  • ARNm THÉRAPEUTIQUES

    • Écrit par Bruno PITARD
    • 6 616 mots
    • 5 médias
    L’étape suivante dans la mise au point de vecteurs efficaces a consisté en la construction de nanoparticules lipidiques, appelées en anglais lipidnanoparticles (LNP). Les LNP-ARNm ont une taille d’environ 100 nanomètres de diamètre. Ils sont constitués par l’assemblage de plusieurs molécules lipidiques...
  • NANOTECHNOLOGIES

    • Écrit par Claude WEISBUCH
    • 6 286 mots
    • 4 médias
    ...émulsifiant pouvant être du blanc d'œuf, de l'huile ou une gomme). On connaît depuis l'Antiquité la coloration rouge du verre par absorption optique due à des nanoparticules de cuivre ou bien d'or, agglomérées dans une matrice de verre. Ce procédé de coloration, déjà pratiqué par les Romains, est toujours...
  • NANOTECHNOLOGIES (enjeux et risques)

    • Écrit par Francelyne MARANO
    • 5 969 mots
    • 1 média
    Pour bien comprendre les interrogations actuelles sur les dangers et les risques des nanoparticules, il faut avoir en tête leurs propriétés spécifiques, qui ont permis l'explosion de leurs utilisations mais qui portent également en germe leurs dangers potentiels. En effet, un matériau donné divisé en...
  • PRIX NOBEL DE CHIMIE 2023

    • Écrit par Lucien SAVIOT, Sandrine ITHURRIA-LHUILLIER, Corinne CHANÉAC
    • 1 990 mots
    • 1 média
    ...1920, les physiciens se sont intéressés au problème de la « particule dans une boîte ». Ils ont prédit que la longueur d’onde de la lumière émise par une nanoparticule d’un matériau semi-conducteur dépendait de sa taille. Ce phénomène est dû au fait que l’énergie libérée sous forme de lumière – pour que...

Voir aussi