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MONDIALISATION Le point de vue internationaliste

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Une Internationale sans nom

Dans sa diversité et sa pluralité, ce mouvement international exprime une riposte aux effets inégalitaires de la mondialisation marchande. Les pays du Sud remboursent chaque année plus de 200 milliards de dollars aux pays riches. L'Afrique subsaharienne consacre au seul service annuel de la dette quatre fois plus qu'aux dépenses cumulées de santé et d'éducation. À travers le monde, quatre cinquièmes des dépenses de santé sont réservés à un cinquième de la population. Les rapports de domination économique, militaire, scientifique et technique s'accompagnent désormais d'un impérialisme écologique sans complexes, accaparant l'exploitation de l'eau et le traitement des déchets, utilisant les pays étranglés par la dette comme décharges publiques, envisageant d'instituer un marché des droits à polluer pour perpétuer la fracture énergétique entre pays riches et pays pauvres. Les thèmes unificateurs du nouvel internationalisme répondent à ces multiples défis. Ils exigent notamment :

– le contrôle des mouvements de capitaux pour mettre un peu d'ordre dans l'anarchie des marchés, selon les uns, pour initier une pédagogie anticapitaliste s'étendant à la dénonciation des paradis fiscaux, des licenciements boursiers, de la spéculation sur les retraites par les fonds de pension, selon les autres ;

– la renégociation de la dette des pays pauvres, pour les uns, son annulation pure et simple pour les autres, qui estiment que cette dette a déjà été plusieurs fois remboursée et qu'elle constitue une sorte de tribut colonial entraînant une saignée permanente du Sud vers le Nord ;

– le soutien aux droits démocratiques des femmes, des paysans, des jeunes, des enfants, et la défense des droits à la santé (illustrée par la défense de l'accès aux médicaments contre le sida) ou à l'éducation publique (menacée par la réduction des budgets sociaux et par les technologies de domination culturelle) ;

– la lutte contre la privatisation des services publics, des ressources naturelles, et du patrimoine commun de l'humanité ;

– la mobilisation écologique contre les fauteurs de l'effet de serre, les menaces nucléaires, les dérèglements climatiques, dont les pays les plus vulnérables sont les premiers à pâtir ;

– enfin la lutte contre le militarisme et la guerre, contre la nouvelle course aux armements qui remplit une fonction économique aussi bien que géostratégique (le budget militaire américain est passé de 291 à 625 milliards de dollars entre 2001 et 2008, avec une part croissante consacrée à la « guerre globale contre la terreur »).

Le second forum de Porto Alegre en février 2002 a peut-être marqué l'apogée de la première vague de radicalisation. Les événements intervenus depuis les attentats du 11 septembre 2001 à New York – l'état de guerre illimitée décrété par l'administration Bush, la faillite des recettes libérales en Argentine, la chute spectaculaire du groupe Enron, l'escalade militaire au Proche-Orient – ont mis à l'ordre du jour des questions dont l'enjeu politique, sans aller jusqu'à briser son unité, ont suscité de fortes tensions au sein du mouvement de résistance à la mondialisation libérale. Ces défis placent le nouvel internationalisme devant l'urgence d'approfondir sa vision du monde et d'entreprendre un travail théorique sur des questions cruciales telles que les formes contemporaines de domination impériale, les désordres du droit international, la notion de patrimoine commun de l'humanité, la fracture écologique mondiale, les biotechnologies et la marchandisation du vivant. Il n'y a pas, face au « consensus de Washington », une sorte de « consensus de Porto Alegre », mais une différenciation tendancielle entre :

– des courants[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences en philosophie, directeur de la revue Contretemps

Classification

Pour citer cet article

Daniel BENSAÏD. MONDIALISATION - Le point de vue internationaliste [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 10/02/2009

Média

Le Cauchemar de Darwin - crédits : Saga Films/ Coop 99/ The Kobal Collection/ Picture Desk/ D.R.

Le Cauchemar de Darwin

Autres références

  • MONDIALISATION (sociologie)

    • Écrit par
    • 2 364 mots

    Le terme mondialisation (globalization en anglais) s’est imposé pour désigner une interconnexion croissante à l’échelle mondiale : les personnes, les institutions, les lieux et, plus généralement, les sociétés seraient de plus en plus reliés par-delà les frontières nationales, du fait de l’accroissement...

  • FRANCE - (Le territoire et les hommes) - Espace et société

    • Écrit par
    • 14 002 mots
    • 3 médias
    ...croissante de l’économie française à l’international est un fait marquant des années 1980, qui s’est accéléré dans les années 2000. L’intégration à la mondialisation et son corollaire, l’insertion dans la régionalisation européenne, entraînent des mutations rapides et profondes de l’appareil productif...
  • AÉRONAUTIQUE CIVILE (INDUSTRIE)

    • Écrit par
    • 2 387 mots
    La construction aéronautique civile s'insère, dès les années 1950, dans la mondialisation en raison du caractère international du transport aérien et de ses propres spécificités ; ainsi, une analyse macro-économique simple montre que le niveau global des livraisons (de l'ordre de 800 à 1 000 appareils...
  • AGRICOLE RÉVOLUTION

    • Écrit par et
    • 8 076 mots
    ...changé les dimensions de celle-ci. Les accords de Bretton Woods (1944) et la création du Fonds monétaire international ont donné le départ d'une ère de mondialisation des affaires à laquelle l'agriculture a été partie prenante au même titre que l'industrie et le tertiaire ; déjà fortement industrialisée,...
  • ALTERMONDIALISME

    • Écrit par , et
    • 6 805 mots
    • 1 média
    ...fondatrice de la protestation contre le sommet de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) à Seattle en décembre 1999, l'expression « mobilisation contre la mondialisation néolibérale », avec ses déclinaisons nationales (« antimondialisation » en France, « no-global » en Italie par exemple),...
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