Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

MANUEL DES INQUISITEURS, Nicolau Eymerich Fiche de lecture

Inquisition - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Inquisition

Le dominicain Nicolau Eymerich – Eimeric en catalan moderne – (1320-1399), inquisiteur général de Catalogne, Aragon, Valence et Majorque, signe son chef-d'œuvre, le Directorium inquisitorum (Manuel des inquisiteurs), en 1376 à la cour papale d'Avignon où, pendant ses années de disgrâce en cour catalano-aragonaise, il exerce les fonctions de chapelain du pape.

Le Manuel des inquisiteurs s'inscrit dans la continuité, sobre mais bien établie depuis le xiiie siècle, des recueils de textes inquisitoriaux mêlés à des indications procédurières ou jurisprudentielles, à des récits de tel ou tel procès particulier choisis selon l'arbitraire de chaque compilateur et les besoins d'une région ou d'une saison. Il s'y inscrit et s'en distingue totalement. Par son envergure idéologique et sa technicité pratique et procédurière, par la masse fascinante des autorités utilisées – scripturaires, patristiques, impériales, pontificales – définissant l'hérésie et la fulminant, par son intention avouée d'écrire pour toute l'Église et pour toujours, non pour telle et telle de ses régions et de ses époques, la « somme » proposée par Eymerich renouvelle radicalement le genre. Le Directorium inquisitorum est à l'Inquisition romaine ce que la compilation des canons par Raymond de Penyafort est au droit canonique et la Somme de Thomas d'Aquin à la théologie catholique. Autant dire qu'il serait plus que téméraire d'explorer l'histoire de l'Inquisition en contournant l'apport monumental d'Eymerich.

Un exposé systématique

« Le Manuel, écrit-il dans son prologue, comporte trois parties. Il est question dans la première de la foi catholique et de son enracinement. La deuxième partie parle de la méchanceté hérétique, qu'il faut contrer. La troisième est consacrée à la pratique de l'office inquisitorial, qu'il faut perpétuer. » Et le dominicain conjure « tous les inquisiteurs de consulter avec dévotion le Manuel, de l'étudier attentivement, d'en graver le contenu dans leurs cœurs, de ne point douter de sa véracité, d'en imposer l'étude aux théologiens et aux juristes qui seraient de leurs conseils, de se conformer enfin totalement à lui dans le choix des sentences ».

La première partie contient une vaste série de textes pontificaux, conciliaires, patristiques, canoniques définissant la foi catholique et sa sauvegarde doctrinale. Sur cette base Eymerich établit en douze questions et autant de réponses la légitimité de la procédure inquisitoriale. L'exposé est anhistorique : on parle pour toute l'Église, de toutes les hérésies et pour toujours. Dans le langage de l'époque, cela s'appelle « planter la foi ».

Dans la deuxième partie, l'historicité de l'institution est décrite avec autant d'exactitude que les articulations juridiques qui la trament. Le langage est combatif, l'intention agressive. Trois grands chapitres la composent. Une à une, d'abord, quelles sont les hérésies, et qui sont les hérétiques. Dans le domaine de la foi, erreur et hérésie étant synonymes, le dominicain aligne ensuite une kyrielle impressionnante d'« erreurs philosophiques » valant hérésies, de l'antiquité grecque jusqu'à l'averroïsme. La carte de l'hérésie étant ainsi dressée, la question est posée dans un troisième chapitre de l'étendue de la juridiction inquisitoriale et de sa légitimité : la réponse se déduit par pure logique des réflexions précédentes sur la théologie et le droit.

La troisième partie étale la procédure inquisitoriale proprement dite dans toute sa splendide rigueur, sa froide efficacité, son horreur absolue : l'installation du tribunal, le déploiement de son style comminatoire, la mise en route de l'enquête, l'ordre de dénonciation,[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur émérite de philosophie politique, universités de Paris-I et de Toulouse-II

Classification

Média

Inquisition - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Inquisition

Autres références

  • EYMERICH ou EIMERIC NICOLAU (1320 env.-1399)

    • Écrit par
    • 238 mots

    Théologien catholique, Nicolau Eymerich (Nicolas Eymeric) fut l'inquisiteur général de Catalogne, d'Aragon, de Valence et de Majorque et l'un des défenseurs des papes d'Avignon. Né vers 1320 à Gérone, dans le royaume d'Aragon, Nicolau Eymerich entre dans l'ordre des ...