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MAHOMET ou MUḤAMMAD (571?-632)

L'État de Médine

Muḥammad révéla à Médine des qualités insoupçonnées de dirigeant politique et de chef militaire. Il devait subvenir aux ressources de la nouvelle communauté (umma) que formaient les émigrés (muhādjirūn) mekkois et les « auxiliaires » (anṣār) médinois qui se joignaient à eux. Il recourut à la guerre privée, institution courante en Arabie où la notion d'État était inconnue. Muḥammad envoya bientôt des petits groupes de ses partisans attaquer les caravanes mekkoises, punissant ainsi ses incrédules compatriotes et du même coup acquérant un riche butin. En mars 624, il remporta devant les puits de Badr une grande victoire sur une colonne mekkoise venue à la rescousse d'une caravane en danger. Cela parut à Muḥammad une marque évidente de la faveur d'Allāh.

Elle l'encouragea sans doute à la rupture avec les juifs, qui se fit peu à peu. Le Prophète avait pensé trouver auprès d'eux un accueil sympathique, car sa doctrine monothéiste lui semblait très proche de la leur. La charte précisant les droits et devoirs de chacun à Médine, conclue au moment de son arrivée, accordait une place aux tribus juives dans la communauté médinoise. Les musulmans jeûnaient le jour de la fête juive de l'Expiation. Mais la plupart des juifs médinois ne se rallièrent pas. Ils critiquèrent au contraire les anachronismes du Coran, la façon dont il déformait les récits bibliques. Aussi Muḥammad se détourna-t-il d'eux. Le jeûne fut fixé au mois de ramaḍān, le mois de la victoire de Badr, et l'on cessa de se tourner vers Jérusalem pour prier.

L'activité de Muḥammad suscitait, au fur et à mesure qu'elle s'affirmait plus indépendante, l'opposition non seulement des païens et des juifs, mais aussi celle de Médinois qui avaient accepté la validité de ses révélations. Derrière leur chef de file, Ibn Ubayy, ces gens, qu'il appelait les Douteurs ou les Hypocrites, multipliaient les objections à ses actes, les réticences sur son pouvoir grandissant, critiquaient les émigrés mekkois musulmans. Muḥammad supprima peu à peu les appuis de cette opposition.

Peu après Badr, des poètes médinois païens qui avaient injurié le Prophète furent assassinés, et le clan juif de Qaynuqā‘, à la suite d'une querelle engagée sur un motif trivial, fut expulsé de Médine et ses biens confisqués.

En mars 625, devant la colline d'Uḥud aux portes de Médine, une armée mekkoise prenait la revanche de Badr. Mais les Mekkois n'exploitèrent pas leur succès. Muḥammad expulsa alors encore une tribu juive de Médine, les Naḍīr, soupçonnés de mauvais desseins. Ils purent emporter beaucoup de leurs biens. Un dernier effort fut tenté par les Mekkois sous le commandement du subtil Abū Sufyān du clan umayyade. Trois armées convergèrent sur Médine. Muḥammad recourut à une innovation militaire, inconnue dans cette partie de l'Arabie, le creusement d'un fossé pour arrêter les assaillants. Ceux-ci, mal préparés pour un siège, finirent par partir. Muḥammad profita de ce succès pour éliminer de Médine, en la faisant massacrer, la dernière tribu juive qui y restait, les Qurayẓa, qu'il accusait d'un comportement suspect. Son pouvoir était définitivement consolidé. Il semblait invincible.

Pendant ce temps, ses idées avaient évolué, et la religion qu'il prêchait s'était nettement arabisée. Il se rattache directement à Abraham (Ibrāhīm), dont il a découvert qu'il était l'ancêtre des Arabes par Ismaël (Ismā‘īl) aussi bien que des juifs, qu'il n'était ni juif ni chrétien, mais comme lui un monothéiste pur. Il s'agit pour les Arabes de retrouver cette foi, non de s'aligner sur les religions étrangères. À Ismaël et à son père se trouve attribuée la fondation de la Ka‘ba, l'énigmatique maison située au centre du sanctuaire[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (IVe section)

Classification

Pour citer cet article

Maxime RODINSON. MAHOMET ou MUḤAMMAD (571?-632) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Mahomet - crédits : VISIOARS/ AKG-images

Mahomet

Autres références

  • ABŪ BAKR (570 env.-634)

    • Écrit par Khalifa SOUA
    • 1 049 mots

    Premier calife musulman, ami, beau-père et successeur du Prophète Mahomet ‘Abd Allāh, Abū Bakr reçut le surnom de ‘Atīq (affranchi), puis celui d'al-Siddīq (le crédule), parce qu'il aurait été le premier à avoir cru immédiatement à l'histoire du voyage nocturne de Mahomet à ...

  • AÏCHA (614-678)

    • Écrit par Universalis
    • 327 mots

    Troisième femme et épouse préférée du prophète Mahomet, le fondateur de l'islam. '̄A'isha Bint Abī Bakr, née en 614 à La Mecque, morte en 678 à Médine, joue un rôle politique non négligeable après la mort de son mari.

    Tous les mariages de Mahomet sont motivés par des intérêts...

  • ALAOUITES ou NUṢAYRĪS

    • Écrit par Jaafar AL-KANGE
    • 1 297 mots

    La secte shī‘ite des Nuṣayrīs (An-Nuṣayriyya), qu'on appelle plus couramment Alaouites (Alawites), représente environ 11 p. 100 de la population syrienne. Elle est implantée principalement dans la région montagneuse du djebel Anṣariyya (anciennement as-Summāk), au nord de l'est côtier du pays....

  • ‘ALĪ IBN ABĪ ṬĀLIB (600 env.-661)

    • Écrit par Georges BOHAS
    • 664 mots

    Cousin de Muḥammad, et l'un des premiers convertis à l'islam. En 623 (ou 624), ‘Alī épouse Fāṭima, fille du Prophète et de sa première épouse, Khadīdja. À la mort du Prophète, en 632, il ne lui succède pas à la tête de la communauté : ce n'est qu'en 656 qu'il sera élu calife. La légende et...

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Voir aussi