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LIANG KAI[LEANG K'AI]ET MUQI [MOU-K'I](XIIe-XIIIe s.)

À l'opposé des autres écoles du bouddhisme, qui n'ont guère demandé aux peintres que des illustrations doctrinales ou hagiographiques et qui de ce fait n'intéressaient qu'une classe d'artisans spécialisés, le bouddhisme Chan – mieux connu en Occident dans la prononciation japonaise de Zen – a stimulé quelques-unes des plus hautes créations de la peinture chinoise. La peinture Chan a trouvé son expression la plus accomplie au xiiie siècle dans l'œuvre de Liang Kai et de Muqi. Le Chan, largement libéré de tout appareil religieux au sens dogmatique ou institutionnel du terme, exerçait sur les esprits individualistes une attraction d'autant plus forte qu'il se mariait aisément avec les anciennes aspirations du taoïsme philosophique. Il trouva dans la pratique de la peinture et de la calligraphie un exercice articulé à l'image de sa propre démarche spirituelle : la longue et austère discipline technique que requièrent la peinture et la calligraphie répond à l'ascèse monastique ; elle culmine dans l'œuvre exécutée à la faveur d'une minute d'ivresse inspirée, quand le peintre a si totalement assimilé son métier qu'il peut oublier l'existence de l'encre et du pinceau : ainsi l'« illumination » du moine, saisie intuitive et instantanée de l'absolu, survient-elle à ce point suprême de mobilisation et de concentration des facultés conscientes où le détachement de toutes les apparences devient communion à la totalité du réel.

Liang Kai et les sources de la peinture Chan

Malgré sa saisissante originalité, il ne faut pas croire que la peinture Chan soit sortie tout armée du néant : un examen plus attentif révèle tout un réseau de liens qui la rattache à la fois aux courants de la peinture des lettrés du xie siècle (Mi Fu, Su Dongpo), à la tradition particulière de la peinture de figures en style cursif, illustrée dès le xe siècle par Shi Ke et, de façon plus immédiate, aux pratiques picturales de l'académie des Song du Sud. Ces antécédents sont surtout manifestes chez Liang Kai, le fondateur de l'école. Il fut initié à la peinture par Jia Shigu, académicien actif des années 1131-1162, qui était un peintre de figures travaillant dans le style linéaire et minutieux de Li Longmian. Liang fit lui-même une brillante carrière dans l'académie impériale, carrière couronnée par l'attribution du « ruban d'or ». Suivant son tempérament non conformiste et indépendant, il abandonna cette distinction honorifique et, dans les premières années du xiiie siècle, alla se retirer au monastère de Liutong, un des centres de Chan à Hangzhou.

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Écrit par

  • : reader, Department of Chinese, Australian National University

Classification

Pour citer cet article

Pierre RYCKMANS. LIANG KAI [LEANG K'AI] ET MUQI [MOU-K'I] (XIIe-XIIIe s.) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CHINOISE CIVILISATION - Les arts

    • Écrit par Corinne DEBAINE-FRANCFORT, Daisy LION-GOLDSCHMIDT, Michel NURIDSANY, Madeleine PAUL-DAVID, Michèle PIRAZZOLI-t'SERSTEVENS, Pierre RYCKMANS, Alain THOTE
    • 54 368 mots
    • 37 médias
    ...développaient un style spontané et indépendant. Deux grands maîtres, à la fin des Song du Sud, ont exprimé les expériences spirituelles de cette secte : Liang Kai (1140-1210), qui parvint à un style abstrait et expressif, à un art de l'essentiel sans redites ni concessions ; Muqi (actif 1240-1270) dont...

Voir aussi