KIKUYU
Cultivateurs de langue bantoue, les Kikuyu ou Gikuyu forment le groupe tribal le plus important du Kenya (plus de cinq millions de locuteurs en 1991). Ils habitent au nord de Nairobi, une région d'altitude moyenne de 1 600 mètres, faite de collines dont les sentiers épousent les pentes raides. Ils ont perdu tout souvenir d'immigration, les traditions se référant seulement à l'ancêtre Kikuyu et à sa femme Moombi, auxquels Mogai, dieu créateur, confia les terres qu'ils occupent aujourd'hui au pied du mont Kenya.
Au xvie siècle probablement, ils agrandirent leur domaine, notamment vers les forêts méridionales occupées par les Ndorobo. Chasseurs et récolteurs ne se souciant pas d'agriculture, ceux-ci consentirent aisément à vendre des terres aux Kikuyu, qui croyaient que les esprits stérilisent un sol conquis par la force. Les achats, payés en têtes de bétail, étaient suivis d'une cérémonie solennelle de démarcation des limites. Tout au sud des hauts plateaux, une bande de forêt fut laissée intacte afin de protéger la tribu des incursions des Masai, ennemis traditionnels.
Organisation sociale et politique
La société kikuyu était organisée selon plusieurs principes : la descendance, la territorialité, l'âge.
D'après la tradition, Kikuyu et Moombi eurent neuf filles, ancêtres des clans principaux. Au commencement prévalut la domination matriarcale. Les femmes se mirent à tyranniser les hommes qui se révoltèrent avec succès, profitant d'une période où la plupart d'entre elles étaient enceintes. Le système devint donc patriarcal et patrilinéaire.
Les clans se divisèrent en lignages définis par la propriété d'une terre. La responsabilité du lignage n'incombait pas d'office au plus âgé : le chef était choisi, à l'unanimité, pour sa sagesse, son tact, sa compétence en matières religieuses ; la vente d'une part de la terre lignagère ou sa cession temporaire à un « fermier » étaient subordonnées à son accord ; c'est lui qui officiait lors des cérémonies religieuses du lignage. Les familles étendues composant le lignage étaient soumises chacune à l'autorité de leur patriarche.
En marge de cette organisation fondée sur la descendance et la propriété terrienne, le pays kikuyu était divisé en unités géographiques : le rurongo, ou crête séparant deux vallées. Se traitaient au niveau de ces « crêtes » les affaires légales ou religieuses concernant tous les membres de la tribu vivant sur ce territoire, quelle que soit leur appartenance clanique. Les crêtes étaient dirigées par un conseil de neuf sages, présidé par un porte-parole auquel les colonisateurs attribuèrent plus d'autorité que ne le faisait la coutume : les Kikuyu n'avaient pas de chefs héréditaires, mais des responsables choisis pour leur compétence, et respectés pour cette raison. Les crêtes étaient divisées en unités plus petites comprenant elles-mêmes les villages. À chaque échelon, il existait un conseil des anciens. Lorsqu'une affaire concernait des habitants de crêtes différentes, un conseil spécial était constitué pour cette occasion.
Les Kikuyu avaient donc un système de direction décentralisé, efficace et démocratique. Les Anglais ont renforcé l'autorité du porte-parole du conseil des anciens, ainsi ils en faisaient leur obligé et exerçaient par lui l'administration indirecte. De ce fait même, ce « chef » perdait toute légitimité coutumière.
Le troisième principe qui structurait la société kikuyu, celui des classes d'âge, est lié à l'éducation.
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Écrit par
- Jacques MAQUET : professeur à l'université de Californie à Los Angeles
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Médias
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