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KABYLES

Le peuple kabyle

À quel moment le nom ḳbayl francisé en Kabyles s'appliqua-t-il aux habitants de cette masse de montagnes dominées par le Djurdjura ? Ibn Khaldūn n'en use pas au xive siècle dans son Histoire des Berbères. Ni Luis del Mármol ni Léon l'Africain au xvie siècle ne mentionnent les Kabyles pour désigner les Berbères d'une région déterminée de l'Afrique du Nord. Reprenant la tradition khaldūnienne, Mármol appelle « Azouagues » (Zouaoua) les habitants du littoral algérien. Ce n'est qu'au xviiie siècle que « Kabyle » fait son apparition comme nom propre dans la littérature historique et géographique de l'Afrique du Nord. Le voyageur anglais Thomas Shaw, dans ses Travels, appelle de ce nom tous les Berbères de l'Algérie septentrionale : « À en juger par la situation et l'idiome propre et particulier des Kabyles, qui diffère matériellement de l'arabe, on est porté à croire que c'est le seul peuple de la Barbarie qui ait quelque analogie avec les anciens habitants de l'Afrique. » Et à propos des Zouaoua, on peut lire sous la plume du même auteur : « Les zouôouh[sic], qui sont les plus nombreux et les plus riches Kabyles de cette province [Constantine], habitent les montagnes inaccessibles à l'est, du Sebôe [Sebaou]. » Au xixe siècle, l'occupation française consacra définitivement le nom, d'abord pour désigner les Berbères de l'Algérie septentrionale, ensuite uniquement ceux du Djurdjura et de ses prolongements. On les appelle bien encore Zouaoua, mais accessoirement ; ils sont kabyles avant tout. C'est sous ce nom qu'ils firent leur entrée dans l'histoire moderne.

Une économie fondée sur l'agriculture et l'artisanat

Les Kabyles sont des paysans essentiellement arboriculteurs en raison de la nature de leur sol qui n'est qu'un vaste réseau de montagnes. Sur les pentes aménagées, ils font croître l'olivier et le figuier qui, immédiatement après le chêne zen, occupent les plus grandes surfaces. Jusqu'à la fin du xixe siècle, la culture de ces deux arbres tenait la place la plus importante dans les occupations et le revenu des Kabyles. Ils consommaient une partie de leur production d'huile et de figues et commercialisaient l'autre. On fait venir aussi en Kabylie presque tous les types d'arbres fruitiers représentés dans le bassin méditerranéen. Mais à l'exception du raisin de table, du cerisier et de l'amandier, leur produit n'entre guère en ligne de compte dans le budget familial. Quant à la culture des céréales, seuls s'y adonnaient sérieusement quelques privilégiés, propriétaires dans les vallées. Et celles-ci ayant été concédées dans certaines régions à des colons européens à la suite du soulèvement de 1871, les Kabyles furent réduits à importer les neuf dixièmes environ de leur consommation d'orge, de blé et de légumes secs. Il n'existe pas de prairies ni de terrains de parcours en Kabylie. Aussi l'élevage y est-il limité à quelques maigres troupeaux de chèvres, rarement de moutons et de bovins. Ainsi, nature du sol et exiguïté du territoire devaient assez tôt contraindre les Kabyles à s'adonner à des occupations autres que l'agriculture.

Jusqu'au xixe siècle, ils complétaient leurs maigres revenus agricoles par l'émigration temporaire et l'exercice de plusieurs industries artisanales, notamment celles des armes, du bois et du tissage. Les deux premières disparurent en même temps que la perte de l'indépendance, les forêts ayant été expropriées et les fabriques d'armes fermées par la puissance colonisatrice. Bien qu'il ne cesse pas de régresser, concurrencé par les étoffes venues d'Europe, le tissage s'est maintenu grâce au port du burnous et à la confection de couvertures en laine encore fort appréciées des Kabyles. Mais il[...]

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris
  • : docteur d'État, professeur d'université

Classification

Pour citer cet article

M'Barek REDJALA et Bouziane SEMMOUD. KABYLES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Lounès Matoub - crédits : Sophie Bassouls/ Sygma/ Sygma/ Getty Images

Lounès Matoub

Autres références

  • AMROUCHE JEAN (1906-1962)

    • Écrit par Universalis
    • 338 mots

    Jean el-Mouhouv Amrouche est né à Ighil-Ali (Petite Kabylie). Peu de temps après sa naissance, sa famille, christianisée et francisée, émigre à Tunis. Après des études au collège Alaoui de cette ville, Jean Amrouche est reçu à l'École normale supérieure de Saint-Cloud ; il devient ensuite professeur...

  • AMROUCHE TAOS (1913-1976)

    • Écrit par Jacqueline ARNAUD
    • 1 190 mots

    Sœur de l'écrivain Jean Amrouche, Taos Amrouche appartient à la Petite Kabylie, par son père, à la Grande Kabylie, par sa mère. Mais les hasards de l'histoire qui voulut que ses parents, en échange d'une bonne instruction française, fussent amenés à adopter le christianisme, puis la nationalité...

  • BERBÈRES

    • Écrit par Salem CHAKER, Lionel GALAND, Paulette GALAND-PERNET
    • 7 639 mots
    ...(Tunisie, Libye, Égypte, Mauritanie) qui abritent des groupes berbérophones réduits, dont le poids social et politique est insignifiant. Le cas des Kabyles est frappant à cet égard : ils ont à la fois fourni une grande part des élites de l'Algérie indépendante et constitué une des principales forces...
  • IDIR (1949-2020)

    • Écrit par Patrick LABESSE
    • 971 mots

    Le chanteur et musicien kabyle Idir fut, dans les années 1970, le compositeur et interprète de « A Vava Inouva », le premier succès international maghrébin. Il a traversé les générations et au-delà de la communauté kabyle, rallié autour de lui un public arabophone et français. Le sociologue Pierre...

Voir aussi