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POWYS JOHN COWPER (1872-1963)

D'Œdipe à Dionysos

Né à Shirley (Derbyshire) d'un pasteur protestant, qui le marque fortement par son rigide manichéisme, et d'une mère masochiste et rêveuse, descendante des poètes Cowper et Donne, John Cowper emprunte à son père sa prodigieuse vitalité, qu'il refuse de mettre au service du réel (le pasteur, fortement inséré dans la vie, fut le fondateur d'une famille de onze enfants) pour célébrer l'imaginaire : la fécondité paternelle est transposée par Powys sur le plan de la création par l'abondance de ses œuvres et de sa correspondance. Après un mariage dont le bonheur fut médiocre, John Cowper quitte son Dorset natal pour un volontaire exil en Amérique, dont il sillonne presque tous les États comme conférencier. Ces improvisations furent célèbres par « l'analyse dithyrambique » que Powys y pratiquait, devenant à tel point l'auteur dont il parlait qu'il le mimait comme un acteur : Rabelais, Strindberg, Dostoïevski surtout furent le sujet de ces conférences « jouées », à l'origine des essais critiques publiés plus tard. La fin de sa vie s'écoula sereinement au pays de Galles, la culture celte étant devenue la principale source de son inspiration, comme il le confirme dans son important essai Obstinate Cymric (1947). Il mourut à Blaenau, Merioneth (North Wales).

La famille Powys compte aussi deux autres écrivains de renom : Theodore Francis Powys (1876-1953) et Llewelyn Powys (1884-1939), le frère préféré de John Cowper. Cette amitié pour un frère plus jeune (cf. Confessions de deux frères, Paris, 1992), demeuré radieux malgré la précoce atteinte de la tuberculose, inspira à Powys un de ses thèmes majeurs, la fidélité fraternelle, auquel il faut ajouter celui de la sylphide, image féminine chaste, charmeuse, asexuée, symbolique du bonheur inaccessible. À cette douce jeune fille, pure, légèrement ironique, mais blessée et provoquant la pitié, s'oppose toute une galerie de vierges redoutables et androgynes, de femmes inoubliables, âgées et dominatrices, voyantes, sorcières, mères, veuves, qui évoquent le monde secret cher à Faust et les violentes figures féminines d'Euripide. Aussi bien la trajectoire qu'offre cette œuvre étonnante pourrait-elle s'intituler « d'Œdipe à Dionysos » – de l'enfant aveuglé par son impuissance, ses penchants parfois incestueux et meurtriers, déchiré entre le sadisme et le masochisme, au dieu grec mutilé mais triomphant, dont le sang versé permet de célébrer la conversion des douleurs stériles en douleurs fécondes, des manques dominés en connaissance souveraine.

— Diane de MARGERIE

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Pour citer cet article

Diane de MARGERIE. POWYS JOHN COWPER (1872-1963) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Littérature

    • Écrit par Elisabeth ANGEL-PEREZ, Jacques DARRAS, Jean GATTÉGNO, Vanessa GUIGNERY, Christine JORDIS, Ann LECERCLE, Mario PRAZ
    • 28 170 mots
    • 30 médias
    ...qui, comme lui, traitent de l'éternel conflit entre bien et mal : les catholiques Greene, Burgess et Spark). « Drogué naturel », rêveur et visionnaire, John Cowper Powys tient à la fois de Blake et de Thomas Hardy ; la tension entre les deux pôles d'un univers manichéen est traitée sur le mode imaginatif...
  • PANTHÉISME

    • Écrit par Robert MISRAHI
    • 7 628 mots
    Chez John Cowper Powys, on rencontre également, sous une forme plus épurée, une très haute conscience (mystique, il est vrai) de la beauté secrète de l'univers total et de chacun de ses éléments, notamment dans son Autobiographie. Les rares méditations explicitement religieuses sont catholiques,...

Voir aussi