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BOUSQUET JOË (1897-1950)

Né à Narbonne, au pays des cathares, Joë Bousquet est une sorte de cathare lui-même, c'est-à-dire un « pur ». Poète de la nuit, du vent et du silence, de tout ce qui est désespoir, il compose une œuvre abondante, constituée essentiellement de poèmes en prose. À sa souffrance, physique et morale, il oppose une infatigable curiosité intellectuelle, une pensée aiguë, toujours sur le qui-vive.

Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, Bousquet a dix-sept ans. En 1916, il devance l'appel et part au front à la tête d'une section d'un régiment disciplinaire. Le jour de son baptême du feu, il est cité à l'ordre de l'armée et décoré sur le champ de bataille. En quelques mois, il devient l'officier le plus décoré de son régiment. Mais que connaît-il de la vie, cet enfant de vingt ans, lorsque, le 27 mai 1918, une balle lui sectionne la moelle épinière ? Il survivra, paralysé des jambes jusqu'à la fin de ses jours. Sa chambre de Carcassonne, dans laquelle il passe sa vie couché et où il compose toute son œuvre, devient un lieu de rendez-vous, un « salon littéraire » où de nombreux écrivains se retrouvent autour de son lit.

Ses poèmes en prose ont été publiés par Jean Paulhan qui choisit lui-même, à la demande de Bousquet, ce qui dans ses cahiers sera réuni dans Traduit du silence (1941). Poèmes désespérés, réflexion sur les rapports entre le moi et le corps ; réflexion essentielle pour un homme privé de corps, et qui devait inventer à chaque instant une pensée qui considérât de haut ce corps et cette pensée même. Poèmes désespérés donc : « Il y a une nuit dans la nuit », écrit Bousquet à la première page de Traduit du silence. Il ne fait pas assez noir était le titre de son premier recueil, publié en 1931.

Couché dans sa chambre, avec une pipe d'opium à la portée de la main pour lutter contre la douleur que provoquent des crises incessantes, Bousquet est entouré de femmes auxquelles il donne des surnoms poétiques : Isel, Hortie, Blanche-par-amour, Houx-Rainette, Abeille d'hiver, et avec lesquelles il entretient des rapports ambigus. Certaines sont imaginaires, mais d'autres sont bien réelles. Poisson d'or, par exemple, qu'il rencontra en 1938 et qui, douze ans durant, fut son grand amour. Les lettres qu'il lui adressa ont été rassemblées et publiées avec une préface de Paulhan sous le titre de Lettres à Poisson d'or (1967). Après douze ans d'amour mystique et de lettres d'une grande beauté, Bousquet lui écrit : « Oui, je sais que c'est une situation humainement hideuse [...] tu traînes comme un reflet de mon infirmité cet amour sans solution. » En avril 1950, Poisson d'or s'est mariée. En septembre de la même année, Joë Bousquet est mort.

Grand poète, dont l'œuvre, tout intérieure, est souvent d'accès difficile, Bousquet a laissé de nombreux articles, qui sont dispersés au hasard des revues, sur le surréalisme, sur la peinture moderne, sur l'ésotérisme, et qui commencent à être rassemblés. Il laisse surtout une œuvre abondante, dont certaines parties ont été publiées depuis peu (Le Cahier noir, 1990), et une correspondance, que plusieurs maisons d'édition (Gallimard, Albin Michel, Rougerie, etc.) s'emploient à rééditer depuis quelques années, en même temps que ses romans.

— Marc BLOCH

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