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MALHERBE FRANÇOIS DE (1555-1628)

Équilibre et clarté

Cette même volonté d'ordre, ce besoin de structures fortement marquées expliquent qu'il existe une doctrine de Malherbe.

Elle s'est constituée de bonne heure puisqu'en 1606, déjà, il écrivit un commentaire des œuvres de Desportes qui était l'application de ses principes. Il s'y tint jusqu'à la fin de sa vie. Il les enseignait à des jeunes gens qui l'avaient pris pour maître. Après 1615, il fit davantage. Il reçut régulièrement chez lui, non seulement des poètes, mais des gens de lettres occupés surtout de prose. À partir de ce moment, il ne fut plus seulement un maître de poésie, mais un maître de la langue.

Replacée dans l'histoire, sa doctrine revêt une signification précise. À cette époque où, en Italie, les moderni s'opposent aux antiquari, Malherbe est un moderne. Il a rompu avec la poésie des humanistes, et Ronsard n'est plus pour lui qu'un auteur dépassé. Chez les Anciens, il n'apprécie ni Homère ni Virgile, mais les auteurs en qui les modernes retrouvent avec raison leur propre goût, Sénèque le Tragique, Ovide, Martial, et par-dessus tout Stace.

C'est dire que Malherbe n'est pas pleinement un classique. On serait en droit plutôt de l'appeler baroque puisqu'il partage avec les baroques le goût de l'outrance, la recherche des extrêmes ingéniosités. Pourtant, on aurait tort de le rattacher aux baroques pour les vers qu'il compose après 1605, puisqu'en principe il ne se laissait pas entraîner aux excès, d'ailleurs savoureux, de Laugier de Porchères par exemple.

Ce n'est donc pas par le sens de la mesure ni par la discrétion des moyens qu'il s'est imposé. C'est par un sentiment admirable de l'équilibre des formes et une exigence de netteté poussés à l'extrême. Il construit ses phrases et ses strophes avec une rigueur inconnue avant lui. La combinaison des mètres et des rimes n'est pas pour lui un problème accessoire de l'art poétique, elle n'est pas davantage un jeu gratuit. Elle lui fournit le moyen d'affirmer sa pensée avec plus de force.

C'est pour la même raison qu'il attache tant d'importance à la langue. Moderne, il écarte les mots et les tours qui, dans la poésie antérieure, ont vieilli. Il n'admet pas qu'une expression soit légitime pour cette seule raison qu'elle nous vient des Grecs et des Latins. Il ne connaît que l'usage vivant : non pas celui des professeurs de l'Université, non pas le jargon des métiers, ni celui des gens de robe, non pas, malgré sa boutade trop célèbre, celui des crocheteurs du port au Foin, mais la langue de la belle société, celle des salons, celle de Mme de Rambouillet.

Cette doctrine très simple s'imposa. Malherbe vivait encore qu'il était considéré comme le maître de la nouvelle poésie et de la langue française. Chapelain, Guez de Balzac, Vaugelas n'avaient pas d'autre doctrine que la sienne. L'Académie française, fondée six ans après sa mort, a d'abord été le rassemblement de ses disciples.

— Antoine ADAM

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Écrit par

  • : professeur honoraire à la faculté des sciences humaines de Paris

Classification

Pour citer cet article

Antoine ADAM. MALHERBE FRANÇOIS DE (1555-1628) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

François de Malherbe - crédits : Gamma-Rapho/ Getty Images

François de Malherbe

Autres références

  • ŒUVRES POÉTIQUES, François de Malherbe - Fiche de lecture

    • Écrit par Christian BIET
    • 571 mots
    • 1 média

    François de Malherbe (1555-1628), poète officiel de Henri IV et de Louis XIII, fit paraître, de son vivant, différentes pièces poétiques dans des éditions collectives, des livrets de ballets, des livres d'airs de cour, ou sous forme de feuilles volantes, de manuscrits recopiés, de plaquettes. Il n'était...

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