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MOURLOT FERNAND (1895-1988)

La grande discrétion qui entoura dans la presse la disparition de Fernand Mourlot illustre le caractère de celui qui fut le premier maître-lithographe du xxe siècle. Mourlot était de ces hommes rares qui savent se tenir à l'écart des rumeurs et pour qui compte davantage l'idée d'une présence que celle d'une représentation. Toute sa vie, il est resté un artisan, au sens le plus fort du terme, entre ses machines et les artistes ; homme d'un métier, il a porté celui-ci au faîte d'une considération exemplaire, à force de passion et de foi. Chez les Mourlot, l'imprimerie est une vieille histoire qui remonte au siècle passé, quand le grand-père de Fernand, originaire de Franche-Comté, s'installa à Paris comme ouvrier en papier peint. À sa suite, son fils Jules gravit les échelons de la profession pour laisser à ses enfants, à sa mort en 1921, une importante affaire d'imprimerie. C'est sous le label de Mourlot Frères que commence l'aventure de Fernand Mourlot, quand il prit en main, avec son frère aîné Georges, les destinées de l'entreprise familiale.

Dès son plus jeune âge, Fernand Mourlot montra des dispositions à la création et son père l'orienta vers des études artistiques. À dix-sept ans, il se retrouva sur les bancs de l'École des arts décoratifs dans l'atelier d'un maître où il apprit la lithographie, la préparation de la pierre, le travail à la presse, les couleurs, bref, toutes les bases nécessaires à l'exercice d'un bon métier. Un instant d'hésitation, cependant, quand sa passion pour la boxe manqua de l'emporter ; mais une droite bien placée lui fit comprendre qu'il ne serait jamais un bon boxeur. Sa sensibilité et son goût pour l'art le conduisirent à prendre en charge les activités artistiques de l'imprimerie paternelle tandis que son frère s'occupait de la partie commerciale. Installé dans les locaux de la rue de Chabrol, Fernand Mourlot cherche tout de suite de nouveaux débouchés à l'entreprise, qui ne soient pas simplement publicitaires.

La rencontre qu'il fait alors avec Marcel Seheur, éditeur d'occasion, marque le véritable départ de la maison dans le domaine de la lithographie. À l'initiative de ce dernier, Vlaminck et Utrillo vinrent à l'imprimerie exécuter des lithographies pour illustrer des ouvrages de Duhamel et de Carco. Puis Mourlot, introduit dans le milieu de l'art, développa d'étroites relations avec le groupe aujourd'hui oublié du Salon de l'araignée, dont faisaient partie Gus Bofa, Dignimont et Chas Laborde, et réalisa avec eux de nombreux livres : la voie de l'édition d'art était tracée. Vers 1927, Mourlot fit la connaissance de Jacques Jaujard, alors sous-directeur des Musées nationaux ; celui-ci, intéressé par la réalisation d'affiches pour la publicité des expositions, confia cette tâche à Mourlot. La qualité du travail que le lithographe effectua lui assura un quasi-monopole qui dura pendant près de vingt-cinq ans. Dès lors, les occasions furent très nombreuses d'aller à la rencontre des artistes. Lors de l'Exposition internationale de 1937, il reçut commande d'imprimer Le Petit Déjeuner de Bonnard et Le Rêve de Matisse. Très vite, le succès de ses affiches dépassa toutes les espérances, et les frontières. La renommée de la maison ne tarda pas à entraîner de nouvelles rencontres et les épisodes les plus inattendus. C'est ainsi que pendant la Seconde Guerre mondiale Mourlot dirigea temporairement l'Imprimerie de l'Union afin de la sauvegarder des lois raciales et s'occupa aussi de la présentation artistique des livres de La Pléiade.

La grande époque, toutefois, pour Fernand Mourlot, ce fut la période d'après guerre. Picasso, Miró, Chagall, Braque, Le Corbusier, Dufy, Giacometti, Dubuffet...[...]

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