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EXTRÊME GAUCHE

Une extrême gauche dans les urnes

Réalités européennes

Trop souvent considérée comme une exception française, l'extrême gauche s'est implantée en Europe occidentale au bénéfice d'un essoufflement du modèle démocratique et de sa capacité à créer du consensus. Plusieurs parallèles peuvent être établis entre les pays européens : la remise en cause des partis traditionnels ; la « crise de la représentation » (diatribes contre le personnel politique, recul de la participation politique conventionnelle comme le vote ou l'engagement dans les partis politiques...) ; le sentiment d'une montée des périls venus d'ailleurs. Il peut s'agir des délocalisations (qui profitent aux pays de l'Europe orientale ou émergents), du libéralisme économique (fruit d'une Europe savamment réifiée et présentée par les gouvernements nationaux comme responsable de tous les maux), des migrations humaines et de la montée des « périls » qui l'accompagnent, des tensions internationales sur fond de fondamentalismes politiques ou religieux.

Tous ces éléments nationaux et/ou internationaux ont contribué à une exacerbation du refus et du repli. Ces derniers sont venus réactiver des radicalismes politiques, dont l'extrême gauche européenne (comme l'extrême droite d'ailleurs) a profité mais sous des formes très différentes en fonction des contextes politiques nationaux.

De ce fait, l'exception française ne tient pas tant à la survivance d'une extrême gauche active qu'à une stratégie d'indépendance ou de cavalier seul assez isolée en Europe. En effet, l'observation des situations politiques européennes permet d'identifier une extrême gauche à la fois très présente du point de vue des instances représentatives et des élections mais également engagée dans des stratégies d'alliance et de rapprochements relativement inédites en France.

Ces stratégies d'associations traduisent, peu ou prou, des évolutions doctrinales parfois radicales. Elles témoignent aussi d'une conversion à l'idée que les élections sont des compétitions politiques qui permettent d'obtenir des élus et de peser dans les décisions, voire de faire entendre une voix discordante.

Les évolutions doctrinales sont par exemple très visibles aux Pays-Bas avec le S.P. (Socialistische Partij). Originellement composé de maoïstes et de non-orthodoxes de l'ancien parti communiste néerlandais (C.P.N.), le S.P. connaît plusieurs phases successives de réorientation : fin de la référence à Mao, puis repli sur une terminologie socialiste au détriment de la référence au marxisme. La force du parti tient dès lors à plusieurs phénomènes concomitants : l'occupation d'une position de parti tribunitien au sein de l'espace politique néerlandais, la disparition du parti communiste en tant que force politique indépendante, la contestation vive à l'encontre de l'Europe ou des coalitions gouvernementales, la capacité à se présenter comme une force politique de renouveau et porte-parole partisan des mouvements sociaux. Ce positionnement si spécifique au sein de l'échiquier politique lui permet d'obtenir des résultats électoraux prometteurs : de 2003 à 2006, le S.P. progresse dans les élections législatives de 10 points, atteignant en 2006 le score remarquable de 16,6 p. 100 des voix. Troisième force politique à la Chambre des représentants, il réussit également à dépasser le V.V.D., parti libéral néerlandais.

L'exemple néerlandais permet d'entrevoir d'autres types de stratégies : coalitions larges ouvertes à des formations de la gauche radicale ou rassemblements moins larges mais qui s'appuient sur des réseaux associatifs et militants très actifs dans les mouvements sociaux.

La tactique des partis communistes, là où ils sont implantés,[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences en science politique (U.N.S., laboratoire E.R.M.E.S.)

Classification

Pour citer cet article

Christine PINA. EXTRÊME GAUCHE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Bakounine - crédits : Nadar/ Getty Images

Bakounine

Kropotkine, vers 1910 - crédits : Edward Gooch Collection/ Getty Images

Kropotkine, vers 1910

Barricade durant la Commune de Paris - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Barricade durant la Commune de Paris

Autres références

  • FRANCE - L'année politique 1998

    • Écrit par Nicolas TENZER
    • 3 158 mots
    ...Ceux-ci se sentent négligés et ils s'estiment enrôlés dans l'application d'un programme politique où leur base éprouve des difficultés à se reconnaître. De surcroît, le développement de l'extrême gauche et de mouvements civils de contestation – sans-papiers, chômeurs –, ajouté à des scores électoraux stagnants,...
  • INTELLECTUEL

    • Écrit par Jean Marie GOULEMOT
    • 9 442 mots
    • 2 médias
    Désormais proche de l'extrême gauche, Sartre retrouva, durant les années 1970, avec de nouveaux compagnons, son activité pétitionnaire et ses tâches militantes : vente de La Cause du peuple, fondation en 1973 du quotidien Libération. Le modèle de Che Guevara inspira de jeunes intellectuels...
  • ITALIE - La vie politique depuis 1945

    • Écrit par Geneviève BIBES, Universalis, Marc LAZAR
    • 31 410 mots
    • 12 médias
    ...secrets, par exemple) et les classes intermédiaires marginalisées par la crise. Si le signal du terrorisme est donné par l'extrême droite, une extrême gauche radicale a également trouvé dans la grande mobilisation sociale et dans la crise économique qui l'a suivie un climat favorable. Le rejet...
  • OCI (Organisation communiste internationaliste)

    • Écrit par Paul CLAUDEL
    • 1 038 mots

    Organisation trotskiste (dont les militants sont parfois nommés, du nom de leur leader, Pierre Boussel, alias Lambert, « lambertistes »), l'O.C.I. a pour origine une scission au sein de la IVe Internationale (1952). L'O.C.I. va inspirer l'action des Comités d'alliance ouvrière (C.A.O.),...

Voir aussi