Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CACUS

Personnage qui nous est essentiellement connu par le récit que fait Virgile (Énéide, VIII, 185-275) de sa lutte contre Hercule. Monstre mi-homme mi-bête, Cacus est doué du pouvoir d'exhaler du feu et de la fumée. Une profonde caverne au pied de l'Aventin lui sert de repaire, et il fait régner une véritable terreur sur les populations voisines par ses massacres et ses brigandages. Hercule, après avoir tué Géryon et s'être emparé de son troupeau de bœufs, se trouve faire halte sur les bords du Tibre ; Cacus, profitant de son sommeil, lui vole quatre de ses animaux en les tirant par la queue jusqu'à sa caverne pour brouiller les pistes. Mais les mugissements des bêtes ainsi dérobées conduisent Hercule jusqu'au gîte de Cacus, qu'il tue après avoir forcé sa caverne.

Ce récit étiologique du culte d'Hercule à l'Ara maxima ne permet guère de cerner la signification du personnage dans le folklore latin. Peut-être faut-il le rapprocher d'un autre héros légendaire du Latium, Caeculus, fondateur mythique de Préneste et ancêtre non moins mythique d'une des plus illustres familles plébéiennes de Rome, la gens Caecilia. Fils de Vulcain, il est né près du foyer dont la fumée lui a abîmé les yeux ; d'où son nom, qui signifie littéralement : le « petit aveugle ». Grâce à son ascendance paternelle, il a la réputation d'avoir allumé miraculeusement un incendie qu'il a non moins miraculeusement éteint. Cette maîtrise du feu destructeur caractérise également le Cacus de Virgile, lui aussi fils de Vulcain (Énéide, VIII, 198). Cette similitude invite à un autre rapprochement avec une version de la naissance de Romulus, éliminée par la vulgate officielle de Rome mais conservée par Plutarque : sa mère aurait conçu le fondateur de Rome à la vue d'un phallus géant apparu dans le foyer.

On peut dès lors se demander si la tradition romaine, en modelant le personnage de Cacus sur son voisin Caeculus, n'a pas visé à isoler certains traits inquiétants qui appartiennent à la figure primitive de Romulus. Dans l'état le plus ancien de la légende, le premier roi de la grande Rome n'est peut-être pas des plus recommandables : des conduites qui, dans l'élaboration initiale d'un mythe se justifient par leur signification (ruses, vols, assassinats), deviennent scandaleuses au jugement d'une morale postérieure quand le sens mythique n'en est plus perçu. Le Romulus originel exige d'importantes retouches pour offrir à un Auguste un modèle digne d'être suivi. Certes, pour des raisons qui ne peuvent être développées ici, quelques actes assez odieux de violence ne peuvent être tout à fait effacés par cette refonte : Romulus reste l'assassin de son frère et l'auteur du rapt des Sabines. Mais le rôle du pâtre-brigand, capable de faire trembler ses semblables par ses rapports intimes avec le feu destructeur, est dévolu à Cacus. Ainsi a-t-on pu attribuer à Hercule l'honneur d'avoir débarrassé la Rome primitive de ce monstre sanguinaire et donc d'avoir purifié l'image du héros fondateur.

— Jean-Paul BRISSON

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Jean-Paul BRISSON. CACUS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ROME ET EMPIRE ROMAIN - La religion romaine

    • Écrit par Pierre GRIMAL
    • 7 011 mots
    ...mer Ionienne : ainsi Janus à deux visages, dieu des « commencements » et, en général, des passages ; ou Volturnus, sans doute dieu de l'eau ; Cacus, démon du feu ; Dea Dia, divinité de la lumière ; Faunus qui rappelle d'assez loin le dieu grec Pan ; Silvanus, dieu des bocages ; ...

Voir aussi