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ARGOT

La cour des Miracles

Le gueux, ou mendiant professionnel, est un type traditionnel de la littérature. On le trouve chez tous les conteurs du xvie siècle : les Récréations de Bonaventure Des Périers, les Propos rustiques de Noël du Fail, Le Moyen de parvenir de Béroalde de Verville, et surtout dans Les Sérées de Guillaume Bouchet (1584), qui non seulement met en scène des gueux, mais nous donne en appendice un glossaire de leur jargon. C'est le premier exemple d'un genre qui va connaître une longue fortune.

Contemporaine des Sérées est La Vie généreuse des Marcelotz, Gueuz et Boesmiens, contenans leur façon de vivre, subtilitez et Gergon mis en lumière par Monsieur Pechon de Ruby, gentilhomme breton, ayant été avec eux en ses jeunes ans, où il a exercé ce beau métier. Plus été ajouté un dictionnaire en langage blesquien avec l'explication en vulgaire. (À Lyon, par Jean Jullieron, 1596).

Les mercelotz, ou merciers, sont des marchands ambulants, ou plutôt de faux marchands en rupture de mercerie et qui, sous le couvert de leur métier, pratiquent toutes sortes de vols et d'escroqueries. Les gueux, ou mendiants professionnels, sont en contact étroit avec les mercelotz et ont un jargon commun, le blesquin, dont on nous donne un glossaire.

L'ouvrage est une description de la vie, plus ou moins romancée, de l'auteur parmi les mercelotz auxquels il a été affilié. Il nous en décrit la vie, l'organisation, et surtout le langage. Il s'agit d'une corporation avec ses apprentis (péchons), ses compagnons (blesches), ses maîtres (coesres) réunis sous l'autorité du Grand Coesre, lui-même assisté de lieutenants provinciaux, ou cagouz.

L'ouvrage, sous forme de roman picaresque, est un récit autobiographique où l'auteur, un péchon (apprenti), décrit sa vie parmi les mercelotz.

On a souvent contesté l'authenticité de ces aventures ainsi que la réalité du Grand Coesre et de ses cagouz. Il n'y a aucune raison, ainsi qu'on l'a dit, et les aventures de notre jeune péchon sur le trimard (c'est déjà le mot) ont dans plus d'un passage un réel accent de vérité.

On retrouve cette organisation corporative dans Le Jargon de l'Argot, ouvrage que la critique date de 1628, mais qui doit représenter la seconde édition d'une œuvre plus ancienne (1603).

Nous y retrouvons les gueuz tenant leurs Estats généraux sous la présidence du Grand Coesre et de ses cagouz. L'ouvrage décrit les différentes spécialités de la corporation : « Les orphelins sont ces grands mions qui triment trois ou quatre de compagnie, ils bient sur le minsu, c'est-à-dire truchent sans aucun artifice, ils fichent par chacun an deux menées de ronds au Grand Coesre. »

Les orphelins sont donc des enfants déjà grands (de grands mions) ; ils travaillent (triment) en groupe et pratiquent la mendicité simple (ils bient sur le minsu) ; comme les autres affiliés de la compagnie, ils sont autorisés à pratiquer leur métier par le paiement d'une redevance au grand maître.

Tels sont les mercandiers, les riffaudez, les millards, les malingreux, les callots, les piettres, les sabouleux, les coquillards, les hubins, les polissons, les francs-mitous, les capons, les courteaux de boutanche, les convertis, les drilles ou narquois, dont l'auteur décrit les pratiques, le statut et surtout le langage.

En fait, l'ouvrage a pour objet (au moins fictif) d'assurer le secret du jargon en en réformant les termes qui ont été divulgués. C'est ce qu'indique le titre Le Jargon du langage de l'argot réformé comme il est à présent en usage parmy les bons pauvres. Tiré et recueilliz des plus fameux argotiers de ce temps. Composé par un Pillier de boutanche qui maquille en la Vergne de Tours. Reveu, corrigé et augmenté de nouveau par l'auteur (1628 ?).

Relevons en passant que le mot argot désigne encore[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Nice

Classification

Pour citer cet article

Pierre GUIRAUD. ARGOT [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • COQUILLARDS

    • Écrit par Jean MEYER
    • 544 mots

    Dès la conclusion du traité d'Arras (1435) entre Charles VII et Philippe le Bon, une partie des troupes utilisées au cours de la lutte des Armagnacs et des Bourguignons devient inutile, d'autant plus que le roi de France a déjà entamé la création du noyau d'une armée permanente. Après la trêve...

  • COUTÉ GASTON (1880-1911)

    • Écrit par Guy BELOUET
    • 444 mots

    Poète « mineur » puisque chansonnier montmartrois, Gaston Couté, né à Beaugency sur la frange beauceronne, mort à trente et un ans dans un hôpital parisien, de la misère et de tous les excès qui ont dévoré sa santé, fut un vrai poète maudit et un authentique créateur. Moins connu qu'...

  • JOBELIN

    • Écrit par Daniel POIRION
    • 338 mots

    Dans la première édition imprimée de François Villon (Pierre Levet, 1489), six ballades en argot sont rassemblées sous le titre : Jargon et jobellin. Le second terme doit préciser le premier ; on pense qu'il désigne le jargon des gueux ; mais, si on le rapproche du mot « jobe » (niais,...

  • LANGUE REGISTRES DE

    • Écrit par Catherine FUCHS
    • 842 mots

    On appelle « registres de langue » les usages que font les locuteurs des différents « niveaux de langue » disponibles, en fonction des situations de communication. Ces usages relèvent de la « parole » telle que la définit Ferdinand de Saussure (1857-1913), c'est-à-dire de l'utilisation...

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Voir aussi