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Allégorie du triomphe de Vénus, Bronzino

Agnolo di Cosimo, dit Bronzino, Allégorie du triomphe de Vénus. Vers 1540-1550. Huile sur bois. 146 cm X 116 cm. National Gallery, Londres.


Dans sa Vie de Bronzino, Vasari, peintre et historien florentin qui vécut à la fin du xvie siècle, écrit : « Il fit une peinture d'une beauté singulière, qui fut envoyée en France, au roi François, dans laquelle était une Vénus, nue, embrassée par Cupidon, le plaisir sur un côté... Et de l'autre, la fraude, la jalousie, et les autres passions de l'amour. » La description correspond en partie à l'Allégorie du triomphe de Vénus, tableau qui n'a d'ailleurs jamais figuré dans les collections royales françaises. Cette peinture est une œuvre ambitieuse, dont la symbolique hermétique comme le jeu raffiné, volontairement froid et artificiel, des couleurs et des formes sont typiques du maniérisme.
Vénus occupe le centre du tableau. Ses attributs l'accompagnent : la pomme que lui a donnée Pâris et qu'elle tient dans sa main et la colombe ; elle a retiré sa flèche à Cupidon, qui l'embrasse dans un voluptueux baiser. En bas à droite, deux masques, celui d'une nymphe et celui d'un satyre, évoquent les plaisirs de l'amour. C'est d'ailleurs le Plaisir, ou la Folie, que représenterait l'enfant jetant des roses, un anneau de clochettes à la cheville gauche, insensible à l'épine qui lui transperce le pied droit. Derrière lui, une créature monstrueuse au visage souriant, présentant d'une main un rayon de miel, tenant de l'autre main, à droite, sa queue armée d'un dard, incarnerait la Tromperie ou la Luxure. Le vieillard ailé avec un sablier au-dessus de lui figure le Temps, qui empêcherait l'Oubli, à gauche, de jeter un voile sur la scène, qui est sans doute une représentation de l'amour charnel. Quant à la figure hideuse de gauche, elle représenterait, selon les spécialistes, soit la Jalousie soit le Désespoir, ou même la Syphilis.
Le cadrage est très resserré, la composition ne comporte aucun vide et le rapport spatial entre les différents personnages dans son ensemble est difficile à saisir à première vue. On retrouve ces traits stylistiques propres au maniérisme dans une autre œuvre de Bronzino, postérieure de quelques années au plus, au sujet analogue mais à l'iconographie beaucoup plus simple, Vénus, l'Amour et la Jalousie. On y reconnaît, au centre, Cupidon tenant son arc et ses flèches, Vénus, les amours et les masques. Au second plan à gauche, la Jalousie. La composition est tout aussi soignée, s'appuyant sur des lignes sinueuses artificiellement compliquées. Mais Bronzino n'y multiplie pas les énigmes, et le sens de l'œuvre est plus immédiat.

Auteur : Barthélémy Jobert